1944 liens privés
Y a-t-il une vie après la neige pour les stations de montagne ? La Cour des comptes pointe, dans un rapport publié mardi, une vue à court terme et un manque d'anticipation. Les investissements liés au "tout ski" continuent et ne tiennent pas assez compte du réchauffement climatique.
Face au changement climatique, le "modèle économique du ski français s'essouffle" et "les politiques d'adaptation restent en deçà des enjeux", estime la Cour de Comptes dans un rapport rendu public mardi, à quelques jours des vacances d'hiver.
Toutes les stations de ski seront plus ou moins touchées à l'horizon de 2050"
"À compter des années 2000, la diminution de l'activité ski et l'inadaptation croissante du patrimoine immobilier des stations ont commencé à fragiliser l'équilibre financier des remontées mécaniques et l'économie locale qui en découle pour partie", écrit la Cour des Comptes. "Un phénomène accentué par le changement climatique (...) avec une hausse des températures en accélération", selon la Cour.
"Les projections climatiques font état d'une accentuation à moyen terme" du phénomène, prévient-elle, "toutes les stations de ski seront plus ou moins touchées à l'horizon de 2050" et seules "quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance".
Une vue à court terme sur l'usage de la neige et de l'eau
Or, déplore la Cour des Comptes, "les politiques d'adaptation menées par les acteurs de la montagne reposent essentiellement sur la production de neige" qui a "un effet à court terme" car "son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures".
Sans oublier "l'impact de la production de neige sur les ressources en eau" qui paraît "sous-estimé dans de nombreux territoires", souligne le rapport qui estime qu'"il serait nécessaire que les autorisations de prélèvement d'eau destinées à la production de neige tiennent davantage compte des prospectives climatiques".
"Une réorientation fondamentale de la dépense publique"
Quant aux actions de diversifications d'activités, elles "sont rarement adossées à un véritable projet", juge la Cour des Comptes. "Réalisées au fil de l'eau, elles tendent souvent à reproduire le modèle du ski, fondé sur des investissements importants et une forte fréquentation sans plan d'affaires permettant d'établir leur pertinence économique" et "les initiatives des collectivités territoriales, sont peu coordonnées entre elles".
Le rapport épingle aussi "la planification écologique de l'Etat, peu opérationnelle pour le secteur touristique en Montagne", qui "ne permet pas d'impulser une réelle dynamique de changement" et estime qu'il en est de même pour les régions.
"Une réorientation fondamentale de la dépense publique en fonction de la réalité climatique et économique de chaque territoire doit être envisagée", estime-t-elle. La Cour des Comptes propose aussi de mettre en place une gouvernance des stations de montagne ne relevant plus du seul échelon communal. Enfin, elle suggère de mettre en place un fonds d'adaptation au changement climatique destiné à financer des actions de diversification et de déconstruction des installations.
"Un rapport dogmatique" selon France Montagnes
C’est "un rapport dogmatique sans prise en compte des éléments des professionnels de la montagne", a dénoncé ce mardi sur franceinfo le président de l'association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) et maire de La Plagne (Savoie) Jean-Luc Boch. Il déplore également qu'"aucun de ces documents" produits par l'ANMSM ne soit "ressorti dans ce rapport".
Dans ce document de 147 pages réalisé après un audit de quarante-deux stations de tous les massifs, la Cour examine entre autres l'impact de la neige artificielle. Présentée par les stations de ski comme pouvant constituer une solution face au changement climatique, la Cour dénonce une vision de "court terme". Pour Jean-Luc Boch "il n'y a pas d'impact, sinon de retarder le cycle de l'eau, ce qui est essentiel à la vie sur des territoires". "Avec la neige de culture, on peut irriguer beaucoup plus longtemps les territoires", assure le président de l'ANMSM, pour qui les canons à neige ne sont "absolument pas un problème".
Si la Cour s'alarme de l'obsession du "tout ski", les rapporteurs épinglent également le développement d'activités hors ski (VTT, tyrolienne, ou encore cure thermale), souvent déficitaires et pensées "sans stratégie". Un avis que "ne partage pas du tout" l'élu de La Plagne. "La destination montagne, c'est d'abord notre clientèle qui la plébiscite". "Si on propose tout ce qu'on veut, si la clientèle n'est pas au rendez-vous, il n'y a pas d'aspect économique", tranche Jean-Luc Boch. "Il faut travailler avec des professionnels qui connaissent la chose, sinon on n'est pas crédible", insiste-t-il.
Rapport détaillé de la Cour des comptes "Les stations de montagne face au changement climatique" (PDF)
Synthèse du rapport (14 pages)
pourquoi, en matière d’urgence climatique, les gens s'arrangent avec la réalité et ne font rien pour changer. En voilà une question pertinente…
Nous l’avons soumise à François Gemenne. Politologue et président du conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH), ce spécialiste de la géopolitique de l’environnement est aussi co-auteur pour les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Et voici ce qu’il en dit:
Face au danger planétaire que représente le réchauffement climatique, le scientifique rappelle qu’on distingue généralement trois grandes catégories d'acteurs: "l’Etat, les entreprises et les citoyens".
"L’enjeu, c’est que tous agissent ensemble, et que l’action des uns renforce celle des autres. Mais trop souvent, ces acteurs ont une fâcheuse tendance à se rejeter mutuellement les responsabilités, ce qui nous amène à l’inaction", pointe-t-il.
Cette inertie porte même un nom: le triangle de l’inaction. Un concept théorisé par Pierre Peyretou,
professeur affilié à l’École supérieure de commerce de Paris. Au trois sommets de celui-ci, on retrouve ces trois grandes familles d’acteurs... qui se renvoient la balle.
Des freins à lever… dans nos propres cerveaux
Mais l'inaction trouve aussi sa source dans le fonctionnement même de notre cerveau. D’abord, cela fait appelle à ce que les sciences cognitives nomment "le trou intention-action".
"Il s’agit du temps qui s’écoule entre le moment où je déclare mon intention de faire quelque chose et celui où je passe à l’action. C’est typiquement la procrastination. Avec le climat, on a plutôt un canyon intention-action. On déclare depuis des décennies que c’est un défi hyper important, on est à la Cop 75 000, on dit à chaque fois que c’est là que ça s’arrête... Et puis les actions ne sont pas à la hauteur de nos intentions", expliquait Albert Moukheiber, docteur en neurosciences, dans Climat, tous biaisés, une conférence donnée pour la radio France culture.
Dans le documentaire Climat, mon cerveau fait l’autruche, Peggy Chekroun, professeure en psychologie sociale des comportements à l’université Paris Nanterre, montre aussi très bien comment un biais cognitif baptisé "l’effet spectateur" inhibe notre capacité à agir en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Ses expériences ont prouvé que plus on est nombreux à être impliqués dans un problème, moins on est certain que c’est à nous d’agir pour le régler. C’est valable à l’échelle des individus, mais aussi des entreprises ou encore des États, qui conditionnent souvent leur action à celle des autres. Par peur de perdre en compétitivité, par exemple.
Un potentiel d'actions à l'échelle individuelle "de 20 à 25%"
Or, comme l’étaye le climatologue Jean Jouzel dans une interview à Nice-Matin, tous les échelons doivent bel et bien être mobilisés pour que la société opère un changement massif capable de répondre à l'urgence climatique.
"L'accélération viendra par la concomitance de gens qui essaient d’inventer une société véritablement soutenable, du monde de l’entreprise, de gens qui engagent des rapports de force de façon beaucoup plus importante et tordent le bras des responsables politiques et des multinationales…", égraine quant à lui le réalisateur et militant de l’environnement Cyril Dion.
"Chaque action, chaque tonne de gaz à effet de serre, chaque dixième de degré, vont faire une énorme différence", François Gemenne
Et l'action individuelle, si elle ne représente pas la plus grande des marges de manœuvre, n'est pas insignifiante. "Il y a un potentiel d'action à l'échelle individuelle de l'ordre de 20 à 25% de l'action totale possible, avec des contraintes en fonction des revenus qui sont importantes. Plus on a de revenus élevés, plus on peut agir", éclaire la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, interrogée par Le Monde.
"Le changement climatique n’est pas un problème binaire, mais un problème graduel. Cela veut dire que ce n’est pas blanc ou noir: chaque action, chaque tonne de gaz à effet de serre, chaque dixième de degré, vont faire une énorme différence", conclut le politologue François Gemenne.
Le lien entre gaz à effet de serre et réchauffement climatique, c’est lui. Il y a plus de 35 ans, avec le glaciologue Claude Lorius, le paléoclimatologue Jean Jouzel révolutionnait la science du climat.
Depuis, l’ex-vice-président du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec) n’a cessé d’alerter. Avant d’embarquer avec la délégation française pour la Cop 28, le pionnier livre son analyse, plutôt pessimiste, et incite à l’action, à tous les échelons.
Quel intérêt d’aller à cette Cop au pays du pétrole?
Le choix du pays hôte est un mécanisme transparent fixé par les Nations unies: il doit y avoir une rotation chaque année. Celui du président de la COP, en revanche, a été fait par les Émirats arabes unis qui ont opté pour le ministre de l’énergie, impliqué dans le pétrole…
Cela peut paraître regrettable, et je respecte ceux qui font le choix du boycott, mais je pense qu’il est illusoire de discuter de la fin du pétrole, du gaz, du charbon sans les producteurs fossiles.
Quel engagement faudrait-il obtenir pour ne pas hypothéquer nos futurs?
Il faudrait parler d’une date de fin du fossile, dire explicitement que la neutralité carbone ne peut se faire sans. Mais c’est un rêve... Au mieux, la fin du charbon sera évoquée à Dubaï. J’attends peu de cette COP.
Pourquoi êtes-vous pessimiste?
Collectivement, on est accroché aux combustibles fossiles. Ils représentent 80% de la production d’énergie mondiale, c’est un vrai problème. Pour arriver à la neutralité carbone en 2050, même en 2070, il faut un changement profond de nos sociétés et une vision à long terme.
__Or, il y a une sorte d’égoïsme collectif. Quand les scientifiques disent que les émissions produites d’ici à 2030 décideront du climat en 2050, il y a la tentation, notamment dans certaines entreprises, de se dire: ce n’est pas mon problème.
On n’a pas non plus de leader politique capable de donner du poids au long terme. Mais n’accusons pas que les gouvernements. La lutte contre le réchauffement se joue aussi dans les territoires, les villes, dans nos modes de vie...__
Quels sont les pièges dans lesquels cette Cop doit éviter de tomber?
Les pays pétroliers ne vont mettre en avant que des solutions technologiques, comme le piégeage du carbone. Là encore, c’est illusoire.
On émet 60 milliards de tonnes d’équivalent CO2. Au mieux, cette option en capterait 1 milliard. Alors qu’avec un développement ambitieux des énergies renouvelables, on en éviterait 10 milliards.
"La géo-ingénierie solaire est une épée de Damoclès"
Quant à la géo-ingénierie solaire, qui consiste à mettre des aérosols dans la haute atmosphère pour en bloquer les rayons, c’est une épée de Damoclès.
Si en 2050 on est obligé d’arrêter, les jeunes d’aujourd’hui prendront alors de plein fouet la hausse des températures. Par ailleurs, cette méthode ne répond pas à l’acidification des océans, à l’élévation du niveau de la mer…
En plus de 20 ans de participation à la Cop, voyez-vous un peu de positif?
Il y a 20 ans, les négociateurs avaient davantage de doutes, d’interrogations sur le réchauffement, ses impacts potentiels sur le futur... C’est nettement moins le cas aujourd’hui. Le diagnostic du Giec est clair, ils sont au courant.
Vous parliez de l’importance de l’échelon local. En Côte d’Azur, quelles mesures vous semblent essentielles?
Le tourisme doit être repensé: allonger la saison, encourager les gens à venir en train... Cela veut dire investir dans le ferroviaire.
"Il ne faut pas rêver, on n’aura pas une aviation décarbonée d’ici 2050"
L’encouragement débridé à l’utilisation de l’avion pose question. Soyons clairs: je suis pour la taxation du kérosène. Car il ne faut pas rêver, on n’aura pas une aviation décarbonée d’ici 2050.
L’énergie solaire doit aussi être plus agressive ici. Beaucoup de retard a été pris alors qu’il y a un potentiel énorme!
En France, quels exemples d’actions efficaces à engager rapidement?
Je regrette que des mesures simples proposées par la Convention citoyenne pour le climat n’aient pas été suivies.
"Nos émissions sont aussi très liées à notre utilisation de plus en plus forte de SUV"
Limiter la vitesse à 110 km/h sur autoroute a un vrai impact (et diminue aussi la consommation de carburants). Nos émissions sont également très liées à notre utilisation de plus en plus forte de SUV.
*Pour aller plus loin: Jean Jouzel - Climat: l’inlassable pionnier - Entretiens, éd. Ouest France.
Avec le changement climatique, est-ce que la Méditerranée va devenir chaude toute l'année?
A l’occasion de la 28e Conférence des parties sur le climat des Nations unies (Cop 28), qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la rédaction répond tous les jours aux interrogations de lecteurs. Vous vous demandez si la Méditerranée va devenir chaude toute l’année.
Pour vous répondre, nous avons sollicité Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche (CNRS-Sorbonne université) au Laboratoire d'océanographie de Villefranche, co-auteur pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et membre du Grec-Sud, équivalent du Giec en Paca.
"Cela ne va pas être les Tropiques en hiver. Mais oui, la mer se réchauffe", Jean-Pierre Gattuso, océanographe
"Toutes les mers et océans se réchauffent. À l'échelle mondiale, par exemple, la température de surface était en septembre 1.2°C au-dessus de la moyenne (calculée entre 1850 et 1900). Et la Méditerranée ne fait pas exception", pose d’abord le spécialiste.
Mer quasi fermée, elle se réchauffe même beaucoup plus que l'océan mondial. Il faut ainsi une centaine d’années pour que ses eaux s'échangent avec celle de l'Atlantique, via le goulot d'étranglement que représente le détroit de Gibraltar.
En l'espace de 15 ans, sa température a augmenté d'1°C.
Mais cette hausse reste hétérogène selon les saisons.
"De décembre à fin février, elle est moins marquée. Car les eaux de surface se mélangent avec celles des profondeurs, qui se réchauffent nettement moins vite. Pendant cette période, la Méditerranée est en général de 13°C sur nos côtes. A l’avenir, elle pourrait évoluer vers quelques dixièmes de plus, mais cela ne va pas être les Tropiques en hiver", nuance Jean-Pierre Gattuso.
Des canicules marines estivales délétères
Nettement plus problématique, la hausse de la température de l’eau est très marquée sur nos rivages en été.
"La Méditerranée a même été touchée par des canicules marines deux étés de suite, en 2022 et 2023", note Jean-Pierre Gattuso. Un phénomène qui survient quand la température de la mer est supérieure à 90% des températures les plus chaudes historiquement enregistrées, et ce durant au moins cinq jours.
"Par exemple, à l’entrée de la rade de Villefranche-sur-Mer, la température de surface a atteint 29,2°C en juillet 2022. C’est un record absolu depuis les années 1950 et plus de 1°C au-dessus du précédent record", s’inquiète l'océanographe azuréen.
"Il semble que nous avions sous-estimé la vitesse des changements", Jean-Pierre Gattuso, océanographe
Si cette hausse de l’intensité et de la fréquence des vagues de chaleurs marines n’est pas une surprise, car "prévue dans le rapport du Giec que nous avons publié en 2019", "il semble que nous avions sous-estimé la vitesse des changements", reconnaît le scientifique.
Selon le MedECC, groupe d’experts du climat en Méditerranée, "un réchauffement des eaux de surface de 1 à 4°C est attendu d’ici à 2100, selon le scénario de lutte contre le changement climatique".
Et celle-ci est très loin d’être sans conséquence. "Il entraîne l’apparition d’espèces invasives en provenance de la mer Rouge et de l’océan Atlantique tropical. On estime que plus de 1000 espèces tropicales ont ainsi traversé le canal de Suez pour s’installer en Méditerranée", étaye Jean-Pierre Gattuso.
Parmi elles: poissons-lions, poissons-lapins mais aussi des parasites qui menacent directement la biodiversité marine.
Les travaux de multiples collègues montrent que des mortalités massives de coraux, éponges et gorgones interviennent après chaque vague de chaleur marine sur nos côtes", ajoute le scientifique, co-auteur pour le Giec.
En août 2023, deux scientifiques azuréens du CNRS détaillaient ainsi les conséquences mortifères sur la biodiversité marine.
Préoccupant, le phénomène porte même un nom: "la tropicalisation" de la Méditerranée.
Son action pendant la sécheresse
"Pendant les mois écoulés, je me suis rendu disponible pour expliquer, vulgariser les enjeux climatiques associés à la sécheresse." Et ces sollicitations se sont multipliées.
La preuve, pour ce scientifique, que la perception de la société bouge: "Le phénomène s’est imposé comme un sujet plus transverse, qui touche à la ressource en eau disponible mais aussi à la biodiversité, à la lutte contre les incendies.."
"En 2022, quand la sécheresse a concerné tout le pays, j’ai perçu un léger déclic"
"Avant, c’était un phénomène météorologique qui arrivait de temps en temps, on ne se posait pas la question du lien avec les activités humaines et le changement climatique. Maintenant, c’est différent", observe-t-il.
Ce que cette sécheresse record lui a appris
Fouiller des notions d’hydrologie, documenter le lien entre manque d’eau et hausse des températures au fil des années… Les mois écoulés ont fait évoluer les connaissances de Gaétan Heymes.
"C'était intéressant! En tant que météorologue, on se préoccupe surtout de l'eau qui tombe et de celle qui va tomber. Moins d’enjeux transversaux, sociétaux liés au changement climatique", commente-t-il.
Sollicité comme d’autres de ses collègues pour participer à des comités sécheresse mis en place par les pouvoirs publics, il est désormais durablement en veille sur ce sujet.
A quoi être attentif à l’avenir
"Au plus fort de la sécheresse, en 2022, j’avais fait remarquer à des collègues que ce n'était pas une bonne idée d’écrire 'poursuite du beau temps' dans nos bulletins météo alors que tous les acteurs de terrain guettaient la moindre goutte d’eau."
"Écrire 'temps sec et ensoleillé', c’est un réflexe de prévisionniste"
Gaétan Heymes plaide pour gommer ces "raccourcis de langage".
Sa préconisation: "transformer le bulletin météo en quelque chose qui ne sert pas uniquement à savoir comment s’habiller demain. Faire le lien dès que c’est pertinent entre un événement météo et le changement climatique.
France 2 s’y est mis. Sur le site public de Météo France, une attention très importante est désormais portée aux mots employés, ça évolue."
Le Sud de la France est-il vraiment plus exposé au réchauffement climatique?
A l’occasion de la 28e Conférence des parties sur le climat des Nations unies (Cop 28), qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la rédaction répond quotidiennement aux interrogations de ses lecteurs sur le sujet. Vous vous demandez si le Sud de la France est plus exposé au réchauffement climatique. Bonne question!
Pour vous éclairer sur ce point crucial, qui a des répercussions directes sur notre vie quotidienne, nous avons sollicité le climatologue Joël Guiot. Co-auteur de l’un des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et membre du Grec-Sud, le Giec local de Paca, ce scientifique scrute l’impact du changement climatique sur les écosystèmes terrestres méditerranéens.
"Contrairement au nord de la France, c’est l’été, et en particulier ses températures maximales, qui se réchauffent ici", Joël Guiot, climatologue
"Globalement, le sud de la France ne se réchauffe pas plus vite que le nord. C’est la mer elle-même qui se réchauffe beaucoup plus vite que les océans", pose-t-il d’entrée.Mais il est nécessaire d’aller plus loin pour comprendre.
"La différence entre le sud et le nord: c’est le régime saisonnier. Alors que l’hiver se réchauffe plus vite dans le nord, c’est l’été, et en particulier ses températures maximales, qui grimpent davantage ici."
Des étés de plus en plus extrêmes
Dans les Alpes-Maritimes, le Var comme dans tout le bassin méditerranéen, cela ne vous aura pas échappé, "la saison estivale devient de plus en plus chaude, ce qui donne lieu à des canicules de plus en plus fréquentes et intenses. C’est particulièrement fort dans les villes où le béton et le bitume augmentent la température par rapport aux campagnes environnantes, comme à Nice ou encore à Marseille", étaye Joël Guiot.
Forêts, récoltes… Des impacts locaux en cascade
Conséquence de ce réchauffement estival très important: "de plus en plus de problèmes d’eau dû aux sécheresses, mais aussi des inondations en automne".
"A cela s’ajoute l’élévation du niveau de la mer qui salinise les nappes phréatiques et augmente le risque d'ennoiement des zones littorales de basse altitude (Camargue, région Niçoise, presqu’île de Giens,…)", abonde le climatologue.
"Le Sud de la France est particulièrement vulnérable au changement climatique", Joël Guiot, climatologue
L'inventaire des impacts ne s'arrête malheureusement pas là. "Des phénomènes de dépérissement des forêts, particulièrement en basse et moyenne montagne sont constatés, avec des risques d’incendie plus importants ; même si pour l’heure, l’efficacité de la prévention et de la lutte contre les feux permet de contenir ce risque." Ou encore une diminution et un dérèglement des rendements agricoles, comme ce fut particulièrement le cas lors de l’été 2022 avec des récoltes de tomates anticipées; ou dans les vignobles varois, sujets à des vendanges précoces et plus aléatoires.
"Le sud de la France, et plus encore le sud de la Méditerranée, par le fait qu’il cumule plusieurs risques sont particulièrement vulnérables au changement climatique", conclut Joël Guiot.
Sait-on de quelle hauteur la Méditerranée va s’élever dans le futur?
A l’occasion de la 28e Conférence des parties sur le climat des Nations unies (Cop 28), qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la rédaction répond quotidiennement aux interrogations de ses lecteurs sur le sujet. Vous vous demandez quelle pourrait être l’ampleur de l’élévation du niveau de la Méditerranée dans le futur.
Mer fermée, la Méditerranée a tendance à "s’élever moins vite que l’Atlantique, elle a sa propre dynamique, qui ne peut pas être identique à celle des autres océans", nous indiquait récemment Jonathan Chenal, en charge de la stratégie sur le changement climatique à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). À Marseille, les relevés récents indiquent une hausse de 3 millimètres par an.
"L’élévation du niveau de la mer est l’un des effets irréversibles du changement climatique", Philippe Rossello, géographe azuréen
Pour vous répondre sur ce qui pourrait se passer dans le futur, Philippe Rossello, géographe, expert en prospective (étude des scénarios du futur) et coordinateur du Grec-Sud, équivalent du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en Paca, s’est plongé dans les données scientifiques locales. Et elles sont relativement précises à ce sujet.
"D’ici 2050, le niveau de la mer Méditerranée augmentera d’environ 25 cm quel que soit le scénario socio-économique du Giec. C’est l’un des effets irréversibles du changement climatique (au moins pour ces prochains siècles)", abonde le scientifique.
Mais pour aider les territoires côtiers à planifier leur nécessaire adaptation, les nombreux spécialistes du Grec-Sud travaillent à des scénarios à encore plus long terme:
"Il faut d’ores et déjà anticiper une élévation plus conséquente : d’ici 2100, elle sera de l’ordre de 40 cm en cas de scénario optimiste et d’un mètre, voire plus, en cas de scénario pessimiste", détaille Philippe Rossello.
"En 2150, même en cas de scénario optimiste, il faut compter sur au moins 55 cm d’élévation", ajoute-t-il encore.
D’ici à 2050, "les petites plages de sable (de faible largeur) délimitées par une falaise, des constructions ou des aménagements disparaîtront". Celles entre Villeneuve-Loubet et le Fort carré d’Antibes, par exemple, enclavées contre la route, sont particulièrement vulnérables.
En 2021, l’ONG Climate central a réalisé une carte qui permet de déterminer quelles zones côtières de la Côte d’Azur pourraient se retrouver sous le niveau de l'eau en 2050. https://www.nicematin.com/environnement/ces-lieux-de-la-cote-dazur-qui-pourraient-se-retrouver-sous-leau-en-2050-a-cause-du-changement-climatique-710247
"Le phénomène prendra de l’ampleur dans la seconde partie du siècle, menaçant les plus grandes plages, et de manière plus générale, le littoral", analyse le géographe.
En plus de contribuer à l’érosion des plages et au recul du trait de côte, "cette élévation a aussi pour effet de saliniser les nappes phréatiques", abonde le climatologue Joël Guiot, spécialiste des écosystèmes méditerranéens. Avec, à la clé, un impact négatif sur la ressource en eau potable.
Les raisons de l’élévation, une équation complexe…
"Les processus et mécanismes physiques en jeu sont complexes", indique Philippe Rossello.
Au sein du Grec-Sud, l’association d’experts régionaux sur l’évolution du climat regroupant de nombreux scientifiques locaux (climatologues, économistes, sociologues, experts en biologie marine, agriculture, forêts, littoraux…), une étude fouillée sur la mer et le littoral décortique notamment les causes de cette élévation.
"La hausse du niveau des mers du globe est principalement due à l’effet de dilatation des océans, résultant de l’augmentation de la température de l’eau qui est observée depuis des décennies en Méditerranée", peut-on y lire.
"Avec la fontes incertaines des calottes du Groenland et de l’Antarctique, une élévation de plusieurs mètres d’ici la fin du XXIe siècle n’est pas exclue"
Si le thermomètre monte en surface, les progrès en matière d’instruments de mesure permettent de constater que le phénomène est aussi à l'œuvre dans les eaux profondes.
Si cette "dilatation thermique" contribuerait à elle seule à une hausse du niveau de la mer Méditerranée comprise entre 45 et 60 cm à la fin du XXIe siècle, le phénomène se combine à d’autres causes d’élévation du niveau global des océans.
"En premier lieu, la fonte des calottes glaciaires, qui ferait monter le niveau de la mer Méditerranée d’environ 80 cm", précise le rapport du Grec-Sud.
Mais ce dernier point comprend une part très importante d’incertitude, et ce n’est pas une bonne nouvelle…
"La contribution de l’augmentation de la fonte des calottes du Groenland et de l’Antarctique reste très incertaine: une augmentation du niveau de la mer de l’ordre de plusieurs mètres n’est pas exclue", mentionnent également ces travaux.
Ou pas. Du moment que les nobles peuvent se gaver, c’est tout ce qui compte : (source)
Et voici la réaction de Geoffrey Dornes, que je partage : Je baisse, j’éteins, je décale. Et je lève le pied. https://jaffiche.fr/je-baisse-jeteins-je-decale-et-je-leve-le-pied-1933
Car tant que les « gestes pour la planète » seront imposés aux gueux pendant que les nobles se gavent, on peut considérer que l’écologie est une cause perdue.
Je suis sérieux : une cause perdue. Ça ne sert à rien.
Pendant qu’on baisse le chauffage ou qu’on pisse sous la douche, y a un projet pour faire des JO 2026 d’hiver en plein désert et la coupe du monde 2030 en Europe, Afrique et Amérique du Sud à la fois.
Bilan carbone des avions ? Mais osef !
Bilan carbone des clims géantes dans le sable ? Balek !
Le fric d’abord bordel : le but c’est que les gens soient devant leur télé et pas dans la rue, comme ça ils voient les publicités des sponsors et consomment. C’est ça qui finance ces événements, et ces événements sont à leur tour rentables pour les sponsors.
Avec ces gestes, on n’arrivera à rien. Non, être neutre en carbone dans un siècle ne résoudra rien non plus. Il faut avoir un bilan négatif pour rattraper nos conneries. Et pas dans cent ans, non, on aurait dû l’être y a 30 ans environ.
À titre d’exemple, pendant que je dis ça, on est à +12 °C au-dessus des températures de normales, en déficit de 50 % de pluviométrie sur la saison, et on bat non seulement tous les records sur ces deux métriques, mais on bat aussi le record du nombre de records battus ! Est-ce qu’on mesure l’ampleur de ce qui passe là ? Nah.
À ce rythme il ne restera bientôt plus assez d’arbres sur Terre pour imprimer le Livre des Records Édition Spéciale Climat tellement il sera gros !
Rouler à 110 au lieu de 130 ? Je le fais, et vous devriez aussi. Mais pas pour la planète. Faites-le votre porte-feuille (on y gagne pas mal en vrai, sans perdre réellement en temps).
Et si on vous demande : mentez.
Mentez aux autres, personne n’ira vérifier.
Mais ne vous mentez pas à vous-même : vous savez très bien que même si 60 millions de personnes éteignaient leurs lumières ou roulaient moins vite, ça ne compenserait que dalle à côté des événements émetteurs à mort mais qu’on continue parce que l’économie en a besoin pour ruiner le climat.
Non, pour la planète, il faudrait brûler un noble.
Mais je crois c’est interdit.
Too bad.
Du coup c’est comme je dis : une cause perdue
Le changement climatique nuit gravement à la santé : anxiété, troubles du sommeil et baisse de la vigilance, problèmes cardiovasculaires, etc.. La bonne nouv...
Un expert du vent dans les Alpes-Maritimes était notre invité ce jeudi matin. Il répond à cette question : y-a-t-il plus de vent qu'avant ?
Et il constate une évolution des vents mais pas partout. "On estime une journée de vent à 15 nœuds c'est à dire 30 km/h explique le spécialiste avant de détailler un découpage par zone :
- De Nice à Cannes on a 70 jours de vent par an depuis dix ans et c'est stable
-De Cannes à Fréjus on observe une augmentation du vent depuis 2015, environ 15% en plus - De Saint-Raphaël jusqu'à Hyères, une augmentation plus sensible de l'ordre de 20%
2023 sera certainement l'année la plus chaude de l'histoire selon l'institut européen Copernicus. Alors France Bleu Azur développe ce sujet avec le président de l'association Stand Up For The Planet.
Nous sommes des acteurs économiques du secteur textile qui nous sommes rassemblés en une coalition pour faire un lobbying vertueux dont le but est de lutter contre le réchauffement climatique.
Dêcouvert par Basilic Podcast #167 wedressfair https://youtu.be/dyGkAc85A9w
La canicule marine est-elle particulièrement sévère cette année?
Steeve Comeau: Oui, depuis deux ans. En 2022, dans la région niçoise, nous avons eu plus de cent jours au-dessus des normes de saison. 2023 est un peu moins sévère. Mais l’été est loin d’être fini.
A-t-on atteint des records de température?
Nuria Teixido: Oui, avec 28,8° le 21 juillet dans la baie de Villefranche. En 2022, nous avions eu le record absolu avec 29,2°. La pluie et le vent de ces derniers jours ont permis de faire tomber un peu la température.
Les deux années sont-elles comparables?
S. C.: Elles sont toutes les deux très chaudes. Historiquement, août est le mois le plus chaud. Mais depuis deux ans, il fait aussi très chaud en juillet.
Quelle est la définition de canicule marine? N. T.: On parle de canicule marine ou vague de chaleur marine. Ce phénomène survient quand la température de la mer, durant au moins cinq jours, est supérieure à 90% des températures les plus chaudes historiquement enregistrées.
Quelles conséquences pour les espèces? S. C.: Tous les organismes marins sont affectés. On observe une mortalité massive due au réchauffement climatique chez les coraux, les gorgones, les oursins, les mollusques, les éponges notamment. Leurs tissus se nécrosent. N. T.: C’est une mort silencieuse. L’effet touche toute la biodiversité.
Les organismes ne s’adaptent-ils pas? S. C.: Les espèces en profondeur sont moins touchées. Mais ce n’est pas le cas pour les espèces qui vivent attachées au substrat, comme les coraux rouges en eau peu profonde et qui se nécrosent avec les vagues de chaleur. N. T.: On observe des branches de coraux mortes; pour preuve: elles ont perdu leur couleur rouge.
Comment se dessine l’avenir? N. T.: On va sûrement perdre des espèces locales en faveur d’espèces tropicales. Ce qui va entraîner une perte importante de biodiversité.
La nature ne va-t-elle pas trouver un nouvel équilibre? S. C.: Les écosystèmes matures favorisent la biodiversité. D’ici quelques décennies, on risque d’avoir quelques espèces qui vont dominer l’écosystème. Mais c’est difficile à prévoir car un tel phénomène, c’est du jamais vu.
Une mer en pleine mutation
Résultante du changement climatique, la faune et la flore marines changent. Et c’est tout un nouvel écosystème qui se met en place.
"Certaines espèces qui entrent en Méditerranée sont une opportunité pour les pêcheurs", explique Pierre Gilles, chargé de projets Politique de l’Océan à l’Institut océanographique de Monaco.
"Le crabe bleu (photo) est arrivé il y a longtemps. Aujourd’hui, il prolifère autour de Gènes et du Languedoc. On n’en a pas encore vu dans les Alpes-Maritimes, le Var ou Monaco. Mais ce n’est qu’une question de semaines ou de mois je pense. Les pêcheurs s’aperçoivent qu’il est très bon et qu’il vaut cher."
Idem pour le Portunus segnis. Originaire de l’océan indo-pacifique, ce crabe vit maintenant en Méditerranée. "Depuis 2015, il prolifère dans la lagune de Tunisie. Les pêcheurs ont compris que ce crabe était très apprécié des Nord-Américains et des Asiatiques. Des filières de pêche sont organisées et 11 000 tonnes sont exportées. Mais ces deux espèces peuvent être une menace pour l’écosystème."
En plus du réchauffement de la mer qui invite de nouvelles espèces à prospérer en Méditerranée s’ajoute la surexploitation des ressources. "Dans son dernier rapport, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) souligne que 62 % des stocks de poissons pêchés en Méditerranée sont en état de surexploitation contre 37 % au niveau mondial."
Et d’autres menaces sont là : la densité urbaine sur les côtes, les pollutions plastiques, chimiques, lumineuses et sonores.
Des solutions
En plus de la décarbonation, Pierre Gilles explique qu’il faut "intensifier l’effort dans des aires marines véritablement protégées". Avec la "Stratégie nationale de biodiversité" présentée le 21 juillet 2023 par la première ministre Élisabeth Borne et le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu, la volonté est de créer 400 nouvelles aires protégées d’ici à 2027, soit 5 % de la mer métropolitaine. Par ailleurs, il a été annoncé la protection souhaitée de 100 % des herbiers de Posidonie. "C’est une très bonne chose", se réjouit Pierre Gilles, qui insiste aussi pour que les bonnes intentions se concrétisent.
Cette crainte a été relayée le 15 novembre sur Twitter par Mac Lesggy, le présentateur de l'émission "E=M6". Il évoque une "bulle d'air froid arctique beaucoup plus importante que l'année dernière, laissant présager, après une année anormalement chaude sur l'hémisphère nord, un hiver rigoureux" en s'appuyant sur ce post publié par un ingénieur en chimie.
Doit-on donc s'attendre à un "méga hiver"? Interrogé par nos confrères de France Info, le climatologue Christophe Cassou confirme bien la présence d'un vortex polaire, "une masse d'air froid ceinturée par des vents très puissants" qui se constitue actuellement au niveau du pôle Nord.
En revanche, le spécialiste explique que ce phénomène n'a rien d'"anormal" et qu'il ne peut pas en soi être considéré comme le signe précurseur d'un hiver rigoureux. Si l'air se refroidit au-dessus de l'Arctique, "c'est tout simplement parce qu'en hiver, il n'y a pas de soleil aux latitudes polaires".
À l'inverse, il précise qu'un vortex polaire favoriserait plutôt "des températures plutôt chaudes en Europe".
Quelles prévisions pour cet hiver, donc?
Météo France a publié un bulletin sur les grandes tendances pour les trois mois à venir.
"Le scénario le plus probable pour le trimestre novembre - décembre 2022 - janvier 2023 est la prédominance de conditions anticycloniques, avec un temps calme et sec, sur le continent européen. Les perturbations auront tendance à être rejetées plus au nord de l’Europe ou au sud-ouest de la Méditerranée", peut-on lire ici.
Météo-France rappelle que ce bulletin de prévoit pas le détail jour par jour ou même semaine par semaine. Ce sont uniquement des "tendances attendues en moyenne sur le trimestre".
Une biodiversité exceptionnelle à protéger
Le parc du Mercantour, c’est plus de 8.000 espèces différentes. On y retrouve pas moins de 40% de toute la flore française, ainsi que la faune emblématique de la montagne: chamois, marmottes, bouquetins, loups… Le parc a aussi une grande variété d’insectes et de papillons. Autre exemple, le saxifrage à fleurs nombreuses, la fleur emblématique du parc, qui ne pousse que dans ces versants.
Au point que la région a été qualifiée de « hotspot », ou point chaud, de la biodiversité. Si les espèces y sont aussi nombreuses, elles sont également particulièrement menacées par l’action de l’homme et vulnérables face au changement climatique. D’où la création du parc national pour les protéger.
Un impact inégal selon les zones
Les conditions climatiques de ces montagnes sont déjà naturellement difficiles, souvent extrêmes, surtout l’hiver et l’été. Mais cette année, la sécheresse a fait des ravages, fragilisant les espèces. "Le manque d’eau l’été est une conséquence directe du manque de neige en hiver", explique Pierre Alengrin, qui s’occupe des pistes d’Isola 2000. Les cours d’eau et le niveau des lacs sont extrêmement bas pour la saison. Un lac a même disparu. "Ça fait 60 ans qu’on n’a pas vu ça, c’est exceptionnel", témoigne Emmanuel Gastaud, chargé de mission au parc national du Mercantour.
Le territoire du Mercantour reste inégalement impacté par la sécheresse, car les averses sont très localisées. Dans la vallée des Merveilles, en altitude, le constat est un peu moins alarmiste. Selon Yann Bonneville, gardien du refuge des Merveilles, la situation s’est améliorée depuis le début de l’été. "On était très inquiets début juin. Mais on a eu de beaux orages cet été en altitude, ce qui nous a sauvé la saison". Les lacs et cours d’eau de la vallée ont pu se remplir, même si les nappes phréatiques restent tout de même basses.
Grenouilles et crapauds en danger de mort
Premiers touchés par cette sécheresse : les crapauds et les grenouilles. "La vraie problématique se pose sur les animaux qui vivent dans les lacs, car leurs espaces de vie sont de fait réduits", explique Emmanuel Gastaud. Privés de nourriture et de lieux pour se reproduire, les batraciens accusent une mortalité assez élevée cette année.
La "grande" faune, comme les chamois, s’adapte. Il reste encore de l’eau pour que les animaux puissent s’abreuver, mais ils doivent parcourir des distances plus grandes. Cela engendre une situation de stress, qui peut être problématique si elle perdure dans le temps.
Côté flore, tout a poussé avec plusieurs semaines d’avance cette année. Les fleurs ne vont pas au bout de leur cycle, car elles ne reçoivent pas suffisamment d’eau, ce qui entrave la reproduction des espèces. Les insectes pollinisateurs souffrent aussi beaucoup du manque d’eau, certains meurent. Les oiseaux ont donc moins à manger. C’est toute la chaîne qui est perturbée.
Eviter le cumul de stress pour les animaux
Que faire alors, pour soulager la biodiversité en cette période de sécheresse exceptionnelle? Pour le parc du Mercantour, il faut à tout prix éviter d’ajouter un stress supplémentaire aux animaux. Et donc inciter les visiteurs à déranger le moins possible la faune.
En saison touristique, la fréquentation des lieux empire le stress. Le parc note un nouveau type de visiteurs qui "n’ont pas forcément les bons codes pour les espaces naturels". Les animaux approchés fuient, et dépensent donc de l’énergie, alors que la sécheresse engendre déjà beaucoup de perte d’énergie pour eux.
"Il faut bien comprendre que ces animaux évoluent dans des conditions extrêmes, même s’ils sont habitués", insiste Emmanuel Gastaud. Alors, on reste sur les sentiers et on ne court pas derrière les chamois pour prendre le cliché parfait. Et on essaie de ne pas faire trop de bruit pour ne pas déranger les animaux qui, ne l’oublions pas, sont chez eux.
[...]
Repenser la gestion de l’eau en montagne
Dorian Guinard insiste: pour protéger la faune et la flore, une bonne gestion de l’eau est capitale. Alors, dans le Mercantour, le parc incite les visiteurs aux gestes simples d’économie. Dans les refuges en particulier, la ressource est précieuse.
Avec la sécheresse, l’approvisionnement en eau y est limité, alors que les refuges en ont besoin pour les repas et les sanitaires. Ainsi, le refuge de la Valmasque a décidé de couper ses douches. Ce n’est pas le seul. Le refuge des Merveilles avait aussi décidé de les couper début juin, mais l’eau étant approvisionnée par un lac, il a pu les remettre en service depuis.
Pour Emmanuel Gastaud, chargé de mission au parc, les visiteurs doivent prendre conscience de cette problématique de l’eau. "L’eau est un bien commun", insiste-il. Face à cette situation exceptionnelle, au lieu d’aller prendre une douche, on opte donc pour une petite toilette ou on saute dans un lac. À Isola 2000, beaucoup d’endroits ne sont plus irrigués et les fontaines ont été coupées ; de même, la micro-centrale, qui produit de l’électricité, ne tourne pas à plein régime. Mais la question de la gestion de l’eau est bien plus large que celle des petits gestes du quotidien.
"Ce n’est pas avec des points d’eau, des petites constructions, qu’on va arriver à combler les carences hydriques", explique Dorian Guinard. Selon lui, c’est tout le modèle économique de la montagne qu’il faut repenser. La neige artificielle, qui nécessite une forte consommation d’eau et engendre la création de retenues collinaires, est particulièrement visée par les associations environnementales.
Or les canons à neige sont de plus en plus prisés par les stations, qui cherchent à pallier le manque de neige en hiver. Une conséquence de la hausse des températures et d’une faible pluviométrie, surtout en basse et moyenne altitude. À Isola 2000, 60 à 70% du domaine skiable est ainsi équipé de canons à neige.
"La Méditerranée est un hot spot du changement climatique", alerte un climatologue et membre du Giec
La sécheresse exceptionnelle de 2022 n’est qu’un aperçu de ce qui nous attend à l’avenir?
Oui pour la Méditerranée, mais je ne suis pas aussi catégorique pour les régions plus au Nord de la France qui devraient voir les pluies générales augmenter sur l’année. La Méditerranée et le Sud-Ouest de la France sont sujets à une sécheresse plus fréquente, due au réchauffement climatique. Ce phénomène va continuer et s’amplifier tant qu’il y aura des émissions de gaz à effet de serre.
Quelles conséquences sur nos sols?
Le gros problème de la terre sèche, c’est que l’eau ruisselle. Elle ne s’infiltre pas, n’est pas efficace pour les cultures et peut même être dévastatrice pour elles, à cause du ruissellement.
Dans les Alpes-Maritimes, beaucoup craignent une nouvelle tempête Alex. Doit-on s’attendre au pire cet automne?
Je comprends les craintes et les partage. Je n’ai pas de boule de cristal pour cet automne, mais les configurations thermiques ne sont pas du tout favorables. En ce moment, on est en crise sécheresse et canicule. Il y a une anomalie de température en mer Méditerranée extrêmement forte, qui a pu aller jusqu’à 5 à 6°C au-dessus des normales de saison.
La mer est très chaude et ne va pas se refroidir d’un coup. Elle va conserver la chaleur qui pourrait favoriser plus d’évaporation et d’humidité dans l’air. Il faut toutefois une configuration de vent très particulière pour déclencher un épisode méditerranéen. Il faut une arrivée d’air froid et de vent du sud. Le conflit de masse d’air va produire ces phénomènes orageux extrêmement violents, qui sont 20% plus intenses qu’il y a 50-60 ans.
En 2021, vous rendiez un rapport avec le GIiec indiquant qu’en Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus radicaux. Pourquoi?
La Méditerranée est un hot spot du changement climatique. Il y a beaucoup de changement et des conséquences qui vont s’abattre sur la région. L’aridification, notamment : moins de pluie, plus de sécheresse, la canicule, le risque de feu, la montée du niveau de la mer. Le changement des vents et des cyclones méditerranéen dont l’intensité va croître, à l’automne, au point de s’approcher des cyclones tropicaux.
Que préconise le Giec pour éviter la catastrophe?
Le GIEC ne fait pas de recommandations au gouvernement, mais des préconisations. Il y a deux types de mesures. L’atténuation, d’abord : limiter les gaz à effets de serre, les réduire à zéro en 2050 pour stabiliser le réchauffement climatique à 1,5°C. On n’évitera pas la canicule, ni la sécheresse mais 1,5°C en plus restera gérable. On peut le faire, c’est qu’une question d’organisation.
L’autre mesure, c’est limiter les conséquences du réchauffement climatique. Il faut prendre en compte les nouveaux risques. En région Ile-de-France, comme dans le Sud, il faut se préparer à avoir des 50 °C et des conséquences en cascade. Les réseaux électriques et d’eau peuvent être fragilisés. Il faut voir aussi les conséquences sur l’agriculture, les hôpitaux... On va avoir à faire face à des situations hors normes, si on se prépare, on survivra.
D’ici à la fin de l’été 2022, les Alpes-Maritimes et le Var présentent un risque de sécheresse, selon une étude publiée par le ministère de l’écologie. Hiver particulièrement doux, augmentation des températures, amenuisement des réserves, la gestion de nos ressources en eau est le défi de demain. Comment pouvons-nous agir? Quels impacts sur nos territoires? On a un mois pour enquêter.
Alerte à la sécheresse dans les Alpes-Maritimes et le Var. Dès fin mars, dans les Alpes-Maritimes et le Var, les préfectures ont émis des recommandations, pour restreindre la consommation en eau dans certaines communes.
Mi-mai, la situation s'annonce déjà critique dans certains secteurs du Var et des Alpes-Maritimes. C'est le cas à Seillans où un camion-citerne réapprovisionne 6 fois par jour la commune en eau. 400 foyers au nord du village sont déjà concernés par cette pénurie.
Mi-juin les habitants subiront des coupures planifiées pendant la nuit, puis en journée. "J’ai peur qu’on en vienne à distribuer des bouteilles d’eau aux Seillanais. Il faut qu’ils prennent conscience que ce bien commun n’est pas inépuisable", regrette René Ugo, maire de la commune.
Cette année, nous avons une sécheresse inédite dans le sens où elle a commencé tôt… janvier et février ont été pauvres en eau" , explique Philippe Gourbesville, hydrologue et professeur à Polytech qui travaille sur la question depuis 15 ans.
En moyenne, les Alpes-Maritimes et le Var enregistrent un volume d’eau annuel de 700 à 800 mm au m2, explique Philippe Gourbesville. C’est le même volume qu’à Paris."
Or cette année, le déficit en eau est de 48 % sous la normale. Une situation inédite depuis… 2007.
Pénuries d’eau en série
Pluies insuffisantes, peu de neige pour grossir les rivières, et des nappes phréatiques qui ne se sont pas rechargées expliquent cette situation.
"La sécheresse n'est pas due qu’à un déficit de précipitations, explique Joël Guiot, chercheur et climatologue au Centre Européen de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement et co-président du Grec-Sud. L'artificialisation des sols aggrave la situation sur notre littoral qui est très urbanisé. L'eau qui tombe ruisselle et se retrouve à la mer… et n'alimente donc pas les nappes phréatiques.
Philippe Gourbesville invite à observer le problème sous un prisme encore plus large.
"L’absence de précipitations est une dynamique à l’échelle de la planète, liée à la circulation atmosphérique, souligne encore le chercheur. Ce qui crée des précipitations chez nous, c’est une masse d’air qui traverse la Méditerranée et qui sature au-dessus de la mer et se décharge sur le littoral. C’est un phénomène complexe qui met en jeu, par exemple, les courants océaniques."
Variété du territoire, complexité du phénomène
Notre territoire n’est pas touché partout de la même manière. Les communes du haut et moyen pays qui se distinguent par leur topographie, plus pentue, sont plus difficilement alimentées en eau.
"Un problème dans les équipements et on se retrouve rapidement en difficulté", détaille Philippe Gourbesville.
Le scientifique refuse de tenir un discours alarmiste pour autant.
Si la sécheresse menace particulièrement les Alpes-Maritimes et le Var ces prochains mois, selon une carte publiée par le ministère de l’écologie, cela ne présage cependant rien concernant nos ressources en eau, ajoute Philippe Gourbesville
"Il faut observer les sols, poursuit-il. Comparativement si vous regardez la Bretagne, il y pleut plus qu’à Nice mais les ressources sont très modestes, notamment car les sols, granitiques, ne retiennent pas l’eau."
Si l’artificialisation des sols est importante, notamment sur notre littoral, leur composition, faite de marne et de calcaire, permet un meilleur stockage.
Demain, des sécheresses plus fréquentes
"La sécheresse que nous connaissons actuellement, n'est pas forcément liée au réchauffement climatique. En Méditerranée, on a des années plus sèches et des années plus humides", note Joël Guiot, chercheur et climatologue au Centre Européen de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement et co-président du Grec-Sud.
Un constat partagé par Philippe Gourbesville. "2022 emprunte la même trajectoire que 2007 qui a été une année extrêmement sèche avec une moyenne de 310 mm par m2 de précipitations." Le scientifique rappelle aussi les périodes sèches entre 1980 et 1990 ou encore 2001 et 2007.
Qu'en sera-t-il demain?
"Les projections pour la fin du siècle font état de grandes incertitudes sur les précipitations: les pluies diminueront en été sur le littoral, poursuit Joël Guiot.
Et à cause de la hausse des températures liée au réchauffement climatique, l'évaporation de l'eau va augmenter. Et avec elle, une nouvelle diminution des ressources.
Précipitations plus courtes mais plus intenses
"Il pourrait pleuvoir davantage, notamment à l'automne avec les épisodes méditerranéens, tels qu'on les a connus avec la tempête Alex: 500 mm d'eau se sont abattus en une journée, rappelle le climatologue. Mais ces précipitations ne permettront pas de réalimenter suffisamment les nappes en raison de l'artificialisation des sols qui empêchent une bonne infiltration de l’eau."
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que "c’est la manière dont les pluies vont tomber qui va changer", constate Philippe Gourbesville.
Plus courtes mais plus intenses. "Et avec ce changement, c’est la manière dont on recueille l’eau qui va différer", poursuit l’hydrologue.
Salinisation des nappes phréatiques
Autre effet attendu du changement climatique: l'élévation du niveau de la mer va conduire à une salinisation des nappes.
"On l'observe déjà en Camargue, à la Crau, sur la presqu'île de Giens. Une situation qui pose des problèmes aux agriculteurs."
Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la recharge des nappes à l’échelle nationale pourrait faiblir de 10 à 30 % d’ici à 2070 à cause du dérèglement climatique, doublé de la surexploitation.
Dès lors, comment faire face aux sécheresses à répétition?
Prendre soin des sols
"Le premier remède à la sécheresse est d'arrêter d'artificialiser les sols. Une mesure préconisée par les experts du GIEC, et qui figure dans la loi climat et résilience de 2021, fait observer Joël Guiot. Il faudra voir comment cette mesure se traduira dans les décrets d'application."
Le climatologue pointe la nécessité de limiter l'étalement des villes, mais aussi de développer les espaces végétalisés urbains, avec des espèces méditerranéennes, résistantes à la sécheresse, et des points d'eau.
Des considérations déjà prises en compte comme à Cagnes-sur-Mer où les bords de la Cagne sont en voie de renaturation.
Cela invite à repenser nos installations et structures. "Si vous faites un parking, vous pouvez par exemple ne pas tout bétonner, mais mettre des graviers à la place, qui laisseront l’eau pénétrer plus facilement", remarque Philippe Gourbesville.
Diversifier et mettre en commun les sources
Essayer, également, de diversifier les sources d’alimentation en eau, qu’elles soient souterraines ou superficielles.
"Dans les Alpes-Maritimes, nous avons la chance d’avoir les Alpes, qui font office de château d’eau. Dans le Var, il y a moins de sources mais vous pouvez prendre le lac de Carcès qui alimente Toulon."
L’idée est également de partager les ressources entre communes.
"C’est le cas, notamment, sur le littoral, explique Philippe Gourbesville. Les villes sont connectées entre elles, elles peuvent transvaser leurs ressources. C’est plus difficile pour les communes du haut et moyen pays car les montagnes qui se dressent entre elles rendent plus difficile la liaison entre elles."
Changer nos habitudes, notre alimentation
Doit-on revenir à plus de sobriété? La réflexion s’impose à différentes échelles, de l’individuel au global.
"Il faudra utiliser l'eau de façon plus parcimonieuse"
En posant des contraintes sur la construction de nouvelles piscines, ou en augmentant le prix de l'eau."
A la maison, préférer la douche au bain, par exemple. Dans les jardins, aussi, remplacer la pelouse par des plantes méditerranéennes.
"Dans certains Etats américains, comme le Nevada, note Philippe Gourbesville, vous ne pouvez pas planter plus de 30% de plantes à arroser."
En matière d'agriculture, privilégier des systèmes d'irrigation de goutte à goutte plutôt qu'un arrosage à grandes eaux.
"La clé c'est l'agriculture, 93% de l'eau mondiale est utilisée à des fins agricoles", a expliqué Emma Aziza, hydrologue sur France Inter. Elle appelle à réduire la consommation de viande. "Il faut 4,1 tonnes de céréales pour produire 1 tonne de poulet, et pour le boeuf, il faut 3 fois plus de céréales." Donc d'eau pour faire pousser l'alimentation nécessaire à l'élevage.
Mais, explique-t-elle, la question de l'eau est beaucoup plus large.
C'est la question de notre assiette, de la manière dont on s'habille, de ce qu'on achète. C'est ce qu'on appelle l'eau virtuelle, elle est cachée partout dans tous nos modes de consommation."
Des changements d’habitude et de consommation qui amènent de nombreuses questions.
Un mois de reportages, longs formats
Cultivera-t-on les mêmes choses demain à l’heure où l’on parle de remplacer le maïs par des cultures moins gourmandes en eau? A quoi ressemblera notre assiette? Et nos habitations?
Alors que le Sud de la France enregistre la plus grande concentration de piscines, faut-il encore en construire chez soi? Comment préserver nos ressources en eau?
Ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre tout le long de ce nouveau dossier "Eau secours."
Jusqu'à la fin du mois de juin nous vous proposerons une série de reportages, longs formats.
Dans le Haut-Pays, les habitants de Saint-Martin-Vésubie récupèrent l’eau de la rivière pour arroser leur jardin grâce à la centaine de canaux qui irriguent la Vallée. Un système séculaire qui permet de préserver les ressources en eau potable, éviter les pertes tout en sensibilisant les habitants à l’heure où la sécheresse menace.
"Ecoutez, rien que le bruit est vital."
Le visage de Joël Savier se fend d’un large sourire alors que Eric Gili hisse la martelière, la petite vanne de métal qui empêche l’eau de s’engouffrer dans le canal.
L’eau s’échappe dans un flot puissant et se met à ruisseler rapidement le long du canal.
Les deux hommes, Saint-Martinois, font partie de l’ASA (association syndicale autorisée) du canal de Nantelle, chargée de l’entretien et de l’exploitation du réseau de canaux éponyme qui parcourt toute la vallée de la Vésubie.
En tout, 80 hectares de parcelles irriguées par tout un maillage de canaux qui jouent à cache-cache avec la ville et la végétation, repérables le long de la route principale, au détour d’un jardin, ou encore au creux des bois.
Un système ingénieux qui remonte au XIIIe siècle et dont, presque 700 ans plus tard, à l’heure des alertes sécheresse à répétition, l’utilité ne se dément pas.
L’ASA du canal de Nantelle couvre "2,5 kilomètres de canaux secondaires dont profitent les 140 adhérents, tous propriétaires de terrains desservis", souligne Eric Gili.
Mais ce n’est qu’une partie des 71 canaux qui irriguent la Vallée. “Ce n’est pas pour rien qu’on surnomme la Vésubie, la petite Suisse“, sourit Eric Gili en embrassant le vallon verdoyant du regard.
Cette eau, non potable et non traitée, permet aux habitants d’arroser régulièrement leurs parcelles sans puiser dans les réserves d’eau potable de la ville.
L’eau est déviée de la Vésubie. Au milieu de la caillasse, triste vestige de la tempête Alex, qui borde le cours d’eau, un tuyau noir a été installé, pour récupérer le flot de la rivière.
"La tempête a détruit une bonne partie des installations et le premier été qui a suivi la catastrophe, les canaux n’ont pas fonctionné", soupire Eric Gili.
Aujourd'hui, les adhérents peuvent irriguer leur terrain une fois par semaine, à des horaires déterminés par l’association. "C’est ce que l’on appelle le droit d’eau, explique Eric Gili. Pour un hectare, par exemple, j’ai 2 heures d’eau le vendredi." Chaque adhérent ouvre les vannes à l'heure voulue.
En contrepartie, les adhérents s’acquittent d’une cotisation annuelle de 40 euros. Ceux qui le souhaitent peuvent aussi dédier une demi-journée de corvée d’entretien par an ou alors s’acquitter d’une taxe de 20 euros.
"Pour ma part, utiliser l’eau du canal représente une économie de 60 euros par an", calcule Joël Savier.
Eric Gili va plus loin : "Pour une saison d’arrosage, j’utilise environ 240m3. Si je devais arroser mon jardin avec de l’eau potable, cela me reviendrait à 456 euros par an."
Une économie de taille quand on pense aux 40 euros de cotisation annuelle versée à l’ASA.
Mais l’économie ne se fait pas qu’au niveau du porte-monnaie. "En utilisant une eau non-traitée, nous ne pesons pas sur les réserves d’eau potable de la ville, ni sur les infrastructures nécessaires à son traitement", poursuit Joël Savier.
Un gain d’autant plus précieux quand on sait que la population de Saint-Martin-Vésubie, où de nombreux habitants du littoral possèdent une résidence secondaire, est multipliée par huit en période estivale.
L’arrière-pays est particulièrement vulnérable face au risque de sécheresse.
Interviewé dans le teaser du dossier, Philippe Gourbesville, hydrologue à l’université de Nice expliquait : "Sur le littoral, les villes sont connectées entre elles, elles peuvent transvaser leurs ressources. C’est plus difficile pour les communes du haut et moyen pays car les montagnes qui les séparent rendent plus difficile la liaison entre elles."
A défaut d’une mise en commun entre les villes, c’est à l’échelle des habitants que la réflexion sur le partage de la ressource en eau s’est imposée.
Ce sont les compteurs d’eau imposés par l’Union européenne qui ont fait l’effet d’une décharge électrique.
"Quand ils ont été installés, les gens ont commencé à se rendre compte de ce qu’ils consommaient et de ce que ça leur coûtait, constate Eric Gili. Cela a redonné de la valeur au canal."
Entre les prélèvements d’EDF et le changement climatique qui affecte la ressource en eau, la question de la préservation s’est imposée aux habitants de la Vésubie.
"Comment la gérer au mieux?", poursuit Joël Savier.
Le grand avantage des canaux, c’est qu’ils permettent une irrigation des plantes par immersion", explique Eric Gili qui cultive également un potager aux pieds des montagnes.
Il poursuit : "Cela évite une évaporation et c’est mieux pour les plantes qu’un arrosage classique au goutte-à-goutte ou par en haut qui risque d’entraîner des brûlures sur les feuilles."
Pour économiser l’eau, Eric Gili n’a pas hésité à repenser ses plantations. "J’ai éloigné les oignons moins gourmands en eau de la rigole où passe l’eau et remonté les pommes de terre."
Le canal des arrosants a également une vertu invisible. Celle de rassembler les habitants de la Vallée autour de la gestion de l’eau.
"Sans elle, la Vésubie ne serait pas ce qu’elle est avec son paysage vert qui nous est si cher", explique Eric Gili. S’occuper des canaux n’a rien d’anodin.
"Tout cela encourage à repenser le territoire, les plantations, à prendre en compte la nature des sols", explique Eric Gili en regardant l’eau couler dans le sillon tracé entre les légumes et s’infiltrer sous le feuillage vert des pommes de terre ou des courges de Fontan.
Un peu plus loin, des framboisiers brûlés par le soleil rappellent la sécheresse post-Alex, quand les infrastructures, détruites par la tempête, n'étaient plus en mesure de diffuser l'eau.
Joël Savier renchérit : "[Avec le canal], on perpétue les traditions et la convivialité entre les habitants de la zone, nos voisins proches et plus éloignés. L'eau nous rassemble aussi."
BlueLeaf Conservation develops solutions to mitigate greenhouse gas emissions based on the capacity of the oceans to store large quantities of CO2.
Découvert par article Nice Matin https://www.nicematin.com/economie/comment-blueleaf-conservation-veut-proteger-les-posidonies-avec-la-finance-carbone-725296
Interactive global map showing areas threatened by sea level rise and coastal flooding.
découvert par article nice matin https://www.nicematin.com/environnement/ces-endroits-sur-la-cote-dazur-pourraient-etre-immerges-a-cause-de-la-montee-des-eaux-720384