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A Cuneo, ville italienne jumelée avec Nice, le tourisme a moins pâti que dans le reste de l’Italie, même si la baisse reste significative. Selon l’Observatoire du tourisme piémontais, Cuneo et ses alentours auraient enregistré une chute de 39% de présence touristique, contre 43% pour le reste de la région et 46% au niveau national. Le résultat d’une politique de la ville axée sur une valorisation du patrimoine aussi bien artistique que culinaire autour d’un tourisme plus “sûr” en période d’incertitude sanitaire. Nous sommes allés visiter ce petit “miracle” italien.
"Ne dites surtout pas à un habitant de Cuneo que c’est un ‘pelandrone’ (fainéant)". Luca Serale, adjoint au tourisme de la ville sourit, pointe le doigt comme en signe d’avertissement. A 48 ans, cet élu qui officie depuis 2014 connaît sa ville et la région comme sa poche.
"Cuneo c’est à la fois un poumon industriel et agricole de l’Italie, explique-t-il. C’est un territoire qui vit et sait rebondir." Autrefois antichambre de la Fiat, entreprise automobile emblématique de la Péninsule, Cuneo et sa province accueillent désormais de grands noms industriels comme Michelin ou encore Hermès, sans compter Ferrero dont la réputation du nutella n’est plus à faire. Une force manufacturière qui soutient une économie locale qui n'aime pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
"Ces fleurons industriels s’inscrivent dans un territoire vert, agricole avec des produits de qualité comme le vin des Langhe ou encore la truffe d’Alba." Il suffit, pour comprendre, de déambuler dans le marché couvert du centre-ville où s’étalent sous des vitrines briquées, fromages locaux, pots de miel et viandes de fassona, du nom de cette petite vache piémontaise qui fait la fierté des éleveurs locaux.
"Ce marché était très prisé des Azuréens qui venaient faire leurs courses, commente un officiel. Malheureusement, l’impossibilité de passer par le tunnel de Tende depuis le passage de la tempête Alex et l’effondrement de la route compliquent l’accès à Cuneo pour les habitants du littoral."
Désormais, il faut trois heures en passant par Savone pour se rendre dans le Piémont. Les élus locaux comptent beaucoup sur la réhabilitation du train, arrivé en tête du concours des lieux du coeur cette même année, même si les ouvrages restent fragiles.
Le touriste français et notamment azuréen reste néanmoins en ligne de mire. Selon une étude de Banca d’Italia publiée en 2019, le tourisme français est le deuxième plus important en Italie, après le tourisme allemand.
"Le touriste français a un pouvoir d’achat élevé et dépense toujours plus (+3,4% par rapport à 2018)", constatait Banca d’Italia dans une étude publiée avant la pandémie. Si cette dernière a rebattu les cartes, la Région Piémont a mis les bouchées doubles en lançant un plan baptisé ‘RipartiTurismo’ axé sur un tourisme vert et subventionné en grande partie par des fonds européens.
La ville de Cuneo a été réhabilitée et les façades remises en l'état sur impulsion de la municipalité; Flora Zanichelli.
Sauver les meubles en période post-pandémie
Cuneo et ses environs, des collines et des montagnes, un paysage verdoyant devenu le temps d’une pandémie, un symbole du tourisme à l’italienne. Ici, les chiffres du tourisme ont subi une chute moins forte qu’ailleurs en Italie. Le bilan fait mal, souligne Banca d’Italia dans son rapport de 2020.
"Cette année, l’Italie a perdu plus de deux tiers de ses visiteurs comparé à 2019, écrit l’Institut. Les plus en souffrance sont les destinations culturelles, les villes d’art où les activités résident dans des lieux clos, comme les musées et où le touriste doit utiliser les transports en commun pour se déplacer." La préférence est donc allée aux destinations natures, idéales pour le respect des gestes barrières.
Le marché couvert de Cuneo propose des produits locaux à des prix défiants toute concurrence. Il était très prisé des Azuréens, moins nombreux depuis l'effondrement du tunnel de Tende en octobre 2020.
Réhabilitation du centre historique, ville aérée
"Offrir un tourisme sûr", c’est le leitmotiv de Luca Serale, l’adjoint au tourisme de la ville de Cuneo. Pour rendre la ville plus aérée, un gros travail de réhabilitation du centre a été engagé depuis 2015 et l’élu n’a pas épargné sa peine.
La via Roma, qui coupe la ville en deux et débouche sur la belle place Galimberti, père de la Résistance italienne, a été libérée de son trafic. Hier, 400 bus passaient chaque jour, aujourd’hui, les familles italiennes déambulent avec leurs poussettes et les cafés débordent sur la chaussée.
"Ici, on respire", s'enorgueillit Luca Serale qui a également lancé un travail de fond pour récupérer les façades des palazzi, recouverts de fresques. Pour convaincre les propriétaires des édifices à mettre la main à la poche, il n’a pas hésité à faire du porte à porte.
L’opération a été co-financée par le public et le privé, un tiers des dépenses ont été supportées par la commune, un autre tiers par l’Etat à travers des subventions, et le dernier tiers par les propriétaires.
Cette collaboration inattendue érigée en modèle par le quotidien économique de la Péninsule, Il sole 24 ore et qui a valu à l’équipe municipale de Cuneo d’être invitée à Dignes-les-Bains pour partager son expérience.