2119 liens privés
"Voici le joli mois de mai, où les fleurs volent au vent", dit un air connu. "Et où les abeilles reprennent du service", pourrait-on y ajouter. Car les voilà justement qui sortent de leur hibernation. À l’occasion de la journée mondiale qui leur est dédiée chaque année le 20 mai, zoom sur une initiative qui porte ses fruits depuis plus d’une décennie pour les protéger: le parrainage de ruche.
Depuis 2010, l’entreprise Un toit pour les abeilles mise sur cette solution pour lutter contre un noir constat: en France, plus de 30% des colonies d’abeilles disparaissent chaque année, menacées par les pesticides, la monoculture, le frelon asiatique ou le varroa, un acarien parasite qui se nourrit de l’hémolymphe (fluide jouant le rôle du sang) de ces pollinisateurs. "Conséquence de ce massacre: en 10 ans, 15000 apiculteurs ont cessé leur activité", souligne Un toit pour les abeilles.
Car toutes ces menaces rendent incertaine la durée de vie des colonies et fragilisent le modèle économique de leurs éleveurs. Philippe Chavignon, dont les ruches sont perchées à 1300 m d’altitude sur la commune de Guillaumes, au cœur du "Colorado niçois", en sait quelque chose. "En 2012-2014, j’ai perdu jusqu’à 70% de mon cheptel à cause du varroa. Dans les exploitations bio, on n’était alors pas encore armé pour faire face à ce fléau, le plus grave qui frappe l’apiculture à l’échelle mondiale", explique celui qui se passionne pour les abeilles depuis un séjour dans une communauté apicole en Colombie où les humains vivaient en symbiose avec les butineuses.
Créer un lien de solidarité entre apiculteurs et consommateurs
Avec le parrainage, l’idée est, cette fois, de créer un lien étroit entre apiculteurs et consommateurs, particuliers ou entreprises. Ces derniers s'engagent à soutenir financièrement tous les mois (dès 5€) un volume d’abeilles et reçoivent, en retour, une partie du miel issu de la ruche. Plus le soutien financier est important, plus le volume de la livraison augmente. Exemple: parrainer 8000 butineuses vous coûtera 15,5€ mensuels. Et vous vaudra chaque année 12 pots de 250 gr de douceur sucrée produite par vos protégées.
Le Rucher des gorges de Daluis de Philippe Chavignon a fait figure de pionnier azuréen dans cette démarche. "En 2011, Un toit pour les abeilles m’a contacté car la société Arkopharma, installée dans la zone industrielle de Carros, voulait parrainer des ruches en bio. J’ai d’abord pris le temps de réfléchir car je suis plutôt un homme libre. Ce qui m’a fait accepter, c’est que les ruches restent ma propriété, un panneau au nom du parrain y est juste apposé", explique-t-il.
Une décennie plus tard, l'apiculteur bio compte 240 parrains et marraines: 200 particuliers et une quarantaine d’entreprises, de la petite PME aux fastueux hôtels monégasque et cannois, en passant par une marque de cosmétiques de luxe parisienne. Et ce soutien est désormais partie intégrante de son modèle économique. "Ça m’aide beaucoup en m’assurant, selon les années, 50 à 70% de mon chiffre d’affaires. Je suis sûr d’avoir vendu au moins la moitié de mon miel… avant même de l’avoir produit", détaille-t-il. Une sécurité bienvenue alors que les habitudes changent dans les campagnes azuréennes.
À Guillaumes, Le Rucher des gorges de Daluis compte 240 parrains dont une quarantaine d’entreprises (dont le nom s'affiche sur les ruches). Photo d'archives Franz Bouton.
Plus de 500 ruches parrainées dans les Alpes-Maritimes et le Var
"À Guillaumes, il y a 20 ans, comme dans tous les villages de l’arrière pays, il y avait la foire en septembre qui drainait du monde de partout. Et puis ces événements ont péréclité, un peu à cause de la déprise agricole. Depuis une dizaine d’années, il y a davantage de jeunes agriculteurs, une nouvelle dynamique se met en place, mais différemment", retrace Philippe Chavignon. Tandis que l’inflation limite le recours aux longs trajets pour sillonner les marchés trop éloignés. Deux fois par an, l’apiculteur quitte le décor rocheux des gorges de Daluis pour livrer en personnes ses parrains et marraines sur la côte. Il leur donne aussi des nouvelles du rucher dans une infolettre envoyée par mail.
Et il est loin le temps où Philippe Chavignon était le seul apiculteur azuréen engagé dans la démarche. Aujourd’hui, Un toit pour les abeilles compte plus de 500 ruches parrainées dans les Alpes-Maritimes et le Var. Au total, 5600 citoyens y sont engagés dans la protection active des butineuses, soit plus de "23 millions d’abeilles sauvegardées", détaille l’entreprise.
Envie de poursuivre l’échange avec Philippe Chavignon "en vrai"? Le Rucher des Gorges de Daluis ouvre ses portes au public le 4 juin, comme de nombreuses exploitations apicoles Un toit pour les abeilles dans les semaines à venir. Pour trouver la liste des lieux concernés près de chez vous et/ou vous renseigner sur le parrainage de ruche, c’est par là.