2105 liens privés
Conduire les porcs à la glandée, appelée aussi la "grasse pâture", n’était pas très fatigant car, une fois les porcs déposés en forêt, ils se débrouillaient seuls pour trouver leur nourriture. Dans le langage familier, cette pratique est devenue "glander" soit "ne rien faire"!
Le gland indispensable à l’élevage du cochon
Des siècles durant, les porcs du pourtour méditerranéen se sont ébattus dans les champs en jachère pour se nourrir d’herbes amères, prêle et jusquiame blanche (herbe de sainte Apolline). Un régime bien maigre. Aussi, pour compléter leur alimentation, leurs propriétaires les emmenaient dans les forêts de chênes ou châtaigniers pour y dévorer les cosses tombées au sol. Cette pratique, appelée la glandée, était nécessaire pour avoir des cochons bien gras. Pour gagner un kilo, le cochon noir de Provence doit engloutir dix kilos de glands ou châtaignes. Jusqu’en 1730, toute famille élevait au moins un porc, si ce n’est plusieurs. Et, dans une région où les principales essences sont chênes et châtaigniers, l’élevage était particulièrement prolifique.
Certaines années, on comptait jusqu’à 10.000 porcs qui pâturaient en forêt. Mais il faut savoir que, jusqu’au XVe siècle, les forêts appartenaient aux seigneurs fonciers qui percevaient un droit de paisson (taxe sur tout ce que les bestiaux paissent). Aussi, ceux qui avaient leur propre cheptel avaient tendance à restreindre ces droits d’usage.
Une pratique réglementée par ordonnance royale
Longtemps, cet usage s’est exercé sans cadre de loi. Mais, en 1669, une réglementation est apparue par ordonnance royale de Louis XIV. Dès lors, la délivrance d’un "droit de glandée", déterminant les périodes et les jours de glandées est devenue obligatoire. Les paysans devaient s’inscrire auprès des autorités habilitées. Les cycles démarraient aux premiers frimas de septembre pour le Var et fin octobre pour les Alpes-Maritimes et ce, jusqu’à la tuaison des cochons en janvier ou février. Le jour de l’ouverture était fixé par loi et annoncé par voie d’affiche et son de caisse. On pouvait aussi louer le glanage pour une période et certaines communes le permettaient jusqu’au 23 avril. C’était alors le temps de recours, d’arrière-paisson ou d’arrière-glanage.
Les glandées, généralement menées par les garçons à partir de 13 ans, étaient autorisées tous les jours du lever au coucher du soleil, excepté dimanches et jours fériés. Il était interdit de mener les porcs dans les bois qui n’avaient pas atteint leur huitième feuille (septième année). Cette disposition avait pour but d’empêcher les détériorations des jeunes arbustes et de favoriser ainsi la croissance des bois. Ces taxes vont disparaître à l’édiction de la loi du 4 août 1789 et l’abolition des privilèges. À partir de la Révolution, le souci de protéger le patrimoine forestier fait jour progressivement. C’est le Code forestier du 27 mai 1827 qui, au nom de l’intérêt général, n’hésite pas à porter atteinte à la propriété privée en réglementant l’usage des biens forestiers. Voilà qui a mis totalement fin au droit de glandage.
Sources: "Le Droit à la glandée", notice dans Expansion de la forêt varoise au XIXe siècle par Yves Rinaudo.
Le glandage interdit à Draguignan
Lieu essentiel et parfois sacré, la forêt fut de tout temps l’objet de nombreux usages pour subvenir aux besoins des hommes et des animaux. L’un de ses rôles importants était la glandée. Une économie pour les agriculteurs qui pouvaient préserver leurs grains pour l’hiver. Mais, les châtaignes étant également consommées par l’homme, ce dernier et le cochon se disputent plus ou moins la même nourriture.
Voilà pourquoi dès le XVe siècle, certains seigneurs, notamment la viguerie de Draguignan ont interdit le glandage. peut-on lire dans les archives de Draguignan,Déjà la montée démographique des XVe et XVIe siècles a amené un déboisement massif ce qui a rendu moins aisé la glandée des porcs. De plus, la hausse du sel, soit la gabelle, qui permettait les salaisons et qui a augmenté de 180% entre 1650 et 1735, a obligé nombre de petits éleveurs à se séparer de leur porcherie. Bien que la Révolution ait levé cet obstacle, elle va précipiter le déboisement massif.
En revanche, dès 1765, les éleveurs de cochons découvrent la pomme de terre qui va avantageusement remplacer le gland ou la châtaigne.