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Le Point compare son dernier roman, Boix-aux-Renards, au thriller d’Arte Les Papillons noirs. Il n’a ni lu la chronique ni vu la série mais est content de l’entendre. Télérama fait figurer son deuxième roman, Versus (2008), dans les 100 meilleurs titres qui composeraient une polarothèque idéale.
Le noir, l’ombre, la lumière, il en a fait sa matière de romancier. "Cette veine-là, sombre, est assez naturelle chez moi. Ce n’est pas franchement du polar, les libraires sont toujours embêtés pour me ranger. J’aime les livres qui sortent de l’ordinaire. Dans le polar, il y a deux écoles: une réaliste, qui montre des faits, presque journalistique, et une plus psychologique, où l’on peut aller vers quelque chose de plus stylisé, de plus métaphorique, je suis clairement plus là-dedans. Je rends le récit un peu abstrait, ça me permet d’utiliser des archétypes, des symboles, des jalons, pour permettre au lecteur de s’identifier à des thèmes."
Dans Bois-aux-Renards, un neuvième roman très noir, qui s’ouvre sur un accident de voiture mystérieux et se ferme sur une chasse à l’homme sanglante, Antoine Chainas creuse un sillon presque fantastique. Baladant son lecteur entre haut-le-cœur et poésie, descriptions à la limite du soutenable et envolées bucoliques. Imaginant un territoire qui piégerait ses visiteurs comme un triangle des Bermudes pour les amener à se révéler.
Plus ou moins la Roya
"Les lieux, c’est plus ou moins la vallée de la Roya, que je fréquentais plus jeune, qui me les a inspirés. Il y a une trentaine d’années, j’y avais rencontré des communautés qui passaient de hameau en hameau, il y avait une grande liberté que j’ai essayé de retrouver ici", raconte le romancier. Une Roya nettement moins accueillante que la vraie cela dit, une fois transformée par le cerveau fertile de Chainas. Au milieu de renards aux yeux perçants, choyés ou traqués, on croise un couple de tueurs en série, une communauté de chasseurs quasi sectaires, une fillette marginale, une chercheuse moitié chamane…
"Ils sont tous dans une entreprise de libération. De l’aliénation moderne avec le couple de tueurs, la fillette s’émancipe de son histoire, les chasseurs veulent s’affranchir de la société mais sont prisonniers de contingences sociales, sont soumis aux mêmes intrigues de pouvoir qu’ailleurs… Les gens qui se retrouvent là refusent le destin mais le bois, qui est une métaphore, un révélateur, va les emmener à découvrir et accepter quel est leur poste. Chacun va finir par l’accepter, soit en s’élevant, soit en tombant."
Jouant sur le conte et les légendes, truffant son récit de références mythologiques et botanistes, Antoine Chainas enchâsse les histoires, mélange les époques et s’amuse avec son lecteur. Le malmène aussi. Frôlant le malaise en versant dans la précision chirurgicale. "En France, on a un goût pour la littérature spirituelle, et dès qu’on introduit l’organique, qu’on évoque la décomposition par exemple, les lecteurs sont mal à l’aise, on n’a pas l’habitude. Pour moi, c’est naturel, c’est l’énergie, le changement perpétuel de la matière." On vous aura prévenus.