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"On a développé une méthode qui permet de transformer des câbles de fibre optique sous-marins en des réseaux sismologiques," explique le sismologue Jean-Paul Ampuero, directeur de recherche IRD au laboratoire Géoazur (1). En branchant un boîtier photonique à un bout du câble, celui qui se trouve à terre, on a transformé 150 km de câbles entre Monaco et Savone en un réseau de 50.000 sismomètres. C'est énorme."
A titre de comparaison, le scientifique rappelle qu’à terre, entre les Alpes-Maritimes, le Var et la Corse, le réseau compte une quarantaine de sismomètres.
Puis, sur l’écran de son ordinateur il affiche une carte de la région pour nous montrer le tracé de ce nouveau système de surveillance en mer.
En vert les sismomètres enregistrent l’activité le long de la faille ligure, sur 150 km. L’étoile rouge au large de San Remo : le séisme de 1887 qui a causé plus de 600 morts dans la région et un tsunami de 2 mètres. Carte Anthony Sladen et Frédérique Leclerc Géoazur.
Il désigne des traits rouge au large des côtes. "Là, c’est la faille qui a produit le dernier grand séisme et tsunami de la région, en 1887. C’est là où ça a cassé.
"Le câble traverse cette zone de failles qui sont très importantes et actives."
Le laboratoire Géoazur à Sophia-Antipolis a été pionnier dans ce déploiement essentiel pour améliorer la surveillance des séismes et l’alerte des populations. "C’est mon collègue Anthony Sladen, chercheur au CNRS rattaché au laboratoire Géoazur de l'université Côte d'Azur qui a initié ce travail, il y a près de 10 ans."
Après avoir utilisé un câble sous-marin de 41 km au large de Toulon en 2019, c’est sur un équipement de 150 km entre Monaco et Savone (Italie), sur la faille ligure, que l’équipe a branché ses capteurs. Un système opérationnel depuis fin 2024.
Localiser avec plus de précision
Le 16 décembre 2024, quand la terre a tremblé sur la Côte d’Azur, le séisme d’une magnitude 4 sur l'échelle de Richter (2) a été enregistré avec une grande précision.
"Ces données nous permettent de mieux localiser le séisme, de détecter toutes ces petites répliques. Notre objectif est de mieux comprendre où se trouve cette faille, de savoir quelles sont les zones habitées qui risquent d'être les plus touchées."
Et ainsi de quantifier l’aléa sismique.
"Un grand séisme en mer risque souvent de provoquer un tsunami. La secousse aussi peut être suffisamment forte pour créer des dégâts. C'est ce qui s'est produit en 1887. Donc là on pourrait concevoir de donner une alerte quelques secondes avant que la secousse n'arrive."
Dans cette course de vitesse qui va permettre de sauver des vies, les chercheurs s'intéressent aussi aux ondes gravitationnelles.
Utiliser les signaux gravitationnels pour les alertes tsunami
"Les séismes produisent des signaux gravitationnels qu'on peut exploiter. C'est intéressant parce qu'ils se propagent à la vitesse de la lumière, donc beaucoup plus vite qu'une onde sismique."
Aujourd'hui, les scientifiques arrivent à mesurer ces signaux pour les séismes au-dessus d'une magnitude 8, une minute après le début du séisme.
"Une minute, c'est vraiment court par rapport aux vingt minutes ou quinze minutes que prendrait un tsunami pour arriver à la côte, poursuit Jean-Paul Ampuero. C'est donc un bon outil pour l'alerte tsunami."
Un système est actuellement en test au Pérou.
Recevoir l'alerte avant la secousse
Et demain, avec les chercheurs du laboratoire azuréen Artemis (3) qui travaille sur les ondes gravitationnelles, les sismologues prévoient de développer de nouveaux instruments beaucoup plus sensibles.
"Ils nous permettraient d'utiliser ces signaux gravitationnels même pour des magnitudes 6 et même 5 secondes après le début du séisme dans la faille, c'est à dire 5 secondes après que la faille commence à bouger. La secousse arrive à terre quelques secondes plus tard. Le but est de recevoir l'alerte quelques secondes avant la secousse."
Le laboratoire Géoazur est sous 4 tutelles (CNRS/IRD/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Côte d’Azur).
Le plus gros séisme connu a eu une magnitude de 9.4, au Chili en 1960.
Artemis est un laboratoire CNRS-Observatoire de la Côte d’Azur et Université Côte d’Azur.
Une secousse d'une magnitude de l'orde de 6 à 6,5, peut se produire à tout moment à Nice. Face à ce risque identifié, qui pourrait causer dans le pire des scénarios 2.500 morts et 200.000 sans abris, voici les gestes à suivre. Des préconisations issues du document sur le risque sismique édité par la préfecture des Alpes-Maritimes.
Pendant la secousse
Restez où vous êtes:
– à l'intérieur: mettez-vous près d'un mur, une colonne porteuse ou sous des meubles solides (afin d’éviter les chutes d’objets), éloignez-vous des fenêtres
– à l'extérieur: ne restez pas sous des fils électriques ou sous ce qui risque de s'effondrer (ponts, corniches, toitures...)
– en voiture: arrêtez-vous si possible à distance des constructions ou de lignes électriques et ne descendez pas avant la fin des secousses.
-Protégez-vous la tête avec les bras.
-N’allumez pas de flamme.
Après la secousse
Après la première secousse, méfiez-vous des répliques: il peut y avoir d'autres secousses.
-Ne prenez pas les ascenseurs pour quitter un immeuble.
-N’allez pas chercher les enfants à l’école, leur sécurité est plus efficacement assurée dans leur établissement.
-Vérifiez l'eau, l'électricité. En cas de fuite, ouvrez les fenêtres et les portes, quittez les lieux et prévenez les autorités.
-Eloignez-vous des zones côtières, même longtemps après la fin des secousses, en raison d'éventuels raz-de-marée.
-Si vous êtes bloqué sous des décombres, gardez votre calme et signalez votre présence en frappant sur un objet à votre portée (table, poutre, canalisation…).
Pour en savoir plus, le document de la préfecture sur le risque sismique.
https://www.alpes-maritimes.gouv.fr/content/download/7930/89000/file/Sismique_RM.pdf
Le séisme qui a été ressenti lundi soir dans les Alpes-Maritimes, le Var et en Italie a eu lieu à environ 25km au large des côtes au niveau de la frontière italienne. Ce séisme de magnitude modérée a été bien ressenti et également parfaitement enregistré par les réseaux de surveillance. Il a eu lieu dans la zone de la faille ligure, responsable du séisme de 1887 de magnitude 6,5 qui avait causé à l’époque environ 600 victimes en Italie.
La surveillance sismique est assurée au laboratoire Géoazur grâce à 40 stations sismologiques installées à terre dans les Alpes-Maritimes, le Var et la Corse. Elles enregistrent en temps réel toutes les vibrations du sol et permettent d’obtenir en quelques minutes la localisation et la magnitude du séisme. Elles fonctionnent en permanence. Tous les séismes sont ensuite répertoriés sur le site du laboratoire, sismoazur.oca.eu, qui présente la sismicité en temps réel dans la région sud-est de la France. Ces stations sont connectées aux stations italiennes et sont gérées par le laboratoire Géoazur. Tous les enregistrements sont transmis également vers des bases de données européennes et mondiales pour que les chercheurs puissent travailler librement sur les données (le réseau EPOS européen met à disposition gratuitement des nombreuses données d’observation de la terre: www.epos-france.fr).
"L’enregistrement en mer, c’est plus nouveau"
En plus de ces capteurs à terre, le séisme a été enregistré par un capteur sous-marin installé au large, ainsi que par un nouveau système d’enregistrement sur fibres optiques en fonction depuis tout juste un mois. Le séisme ressenti lundi soir a été le premier qu’il a enregistré dans la zone. "Il vient compléter le réseau de surveillance existant et il a été mis au point par Anthony Sladen, chercheur à Géoazur, explique la sismologue Françoise Courboulex, directrice de recherche au CNRS. L’enregistrement des séismes à terre c’est quelque chose que l’on fait traditionnellement, l’enregistrement en mer, c’est plus nouveau. Avec ce nouveau dispositif, nous avons aujourd’hui une couverture exceptionnelle en matière d’observation des séismes sous-marins."
Avec ce nouveau dispositif, les chercheurs espèrent ainsi en apprendre plus sur le fonctionnement de la faille ligure. Jusqu’où est-elle active? Quel séisme peut être engendrer? Permettra-t-il d’anticiper le risque? Françoise Courboulex reste très prudente: "Cela reste un travail de recherche et nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements… Mais une chose est sûre, aucun dispositif ne permettra de prédire l’occurrence d’un séisme, donc il vaut mieux s’y préparer."
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