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Publié le 26 juin 2025
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Dans Le Cid, Pierre Corneille fait dire à Rodrigue cette phrase pour signifier que l’expérience et la maturité ne remplacent pas toujours le talent. Qu’en est-il en matière de placements ? L’Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme de la Bourse, aime à rappeler que les performances passées ne présagent pas des résultats futurs. Quant aux enveloppes d’épargne les plus détenues, comme l’assurance vie, elles font en général la part belle aux nouveaux contrats, qui concentrent les efforts d’innovation des compagnies. Par ailleurs, l’imagination des financiers étant prolifique, l’épargnant est confronté à une offre de produits foisonnante. Mais faut-il céder à l’attrait de la nouveauté ? Comment faire le tri entre simple effet de mode et solution d’avenir ? On vous aide à y voir plus clair.
SOMMAIRE
- On y va sans crainte
Alors que les fonds eurocroissance remplissent leur mission sans faire d’étincelles, les derniers-nés en euros s’avèrent prometteurs. PER et ETF, eux, sont plébiscités.
L’eurocroissance - Pour une prise de risque limitée
Les fonds croissance, ou eurocroissance, ont été lancés en 2014. Mais face à l’échec commercial du dispositif, ce dernier a été remanié par la loi Pacte de 2019. Le concept reste toutefois le même : ces supports visent à offrir une garantie, totale ou partielle, uniquement à l’échéance d’une durée fixe connue à la souscription, 8 à 10 ans la plupart du temps, en échange d’une rémunération plus élevée que sur un fonds en euros. Fin 2024, les encours de ces produits, défendus par une poignée d’assureurs, dont Generali, Axa et, récemment, Allianz, atteignaient 11 milliards d’euros. Malgré une forte progression depuis trois ans, cela ne représente qu’une goutte d’eau parmi les 2 000 milliards d’euros investis en assurance vie. « Ces produits n’ont jamais vraiment décollé et l’offre est limitée, mais ceux qui existent remplissent leur contrat », souligne Samuel Hellio, conseiller en gestion de patrimoine à Caen (14). Ainsi, le fonds eurocroissance d’Axa France, garanti à 100 % à une échéance définie par le client, a rapporté 2,84 % par an, en moyenne, sur les cinq dernières années. Chez Generali, le support G Croissance 2020, dont le capital est garanti à 80 %, affiche un rendement annuel moyen de 2,57 %. Ces supports permettent aux épargnants les plus frileux de diversifier leur contrat avec une dose de risque limitée et pilotée par l’assureur.
Notre conseil De tels supports présentent un intérêt si vous comptez utiliser votre assurance vie pour un projet précis. Dans ce cas, vous pourrez faire coïncider la garantie du fonds avec la date à laquelle vous envisagez de récupérer vos capitaux.
Les fonds en euros - Des produits prometteurs
Depuis deux ans, les taux d’intérêt ont fortement augmenté, ce qui a entraîné un renchérissement de la dette pour l’ensemble des acteurs économiques. Ce phénomène touche notamment les obligations, ces titres de dette cotés, émis par les États comme par les entreprises. Cette situation s’avère favorable aux épargnants, dans la mesure où les fonds en euros sont majoritairement composés d’obligations. Les assureurs peuvent désormais investir dans des titres mieux rémunérés. Une poignée d’acteurs a d’ailleurs tiré parti de ce contexte pour créer de nouveaux fonds en euros. « Ceux-ci n’ont pas d’historique, donc pas de stock d’obligations à taux réduit en portefeuille, ce qui leur assure un potentiel de performance intéressant pour les 8 à 10 prochaines années », estime Samuel Hellio. Les premiers résultats (lire le tableau ci-dessous) sont encourageants, mais avant de souscrire, il convient d’examiner attentivement certains éléments. D’abord, si on souhaite bénéficier de ces fonds, il faut ouvrir un contrat auprès d’un nouvel acteur. Or, la fiscalité de l’assurance vie étant allégée à partir de la huitième année, cela implique de repartir de zéro dans le décompte. Autre point de vigilance : les conditions d’accès à ces supports. Par exemple, chez Corum, il est impossible d’y engager plus de 25 % du contrat. Il est donc essentiel d’en étudier toutes les caractéristiques : frais, supports d’investissement, etc.
Notre conseil Si vous ne voulez pas souscrire une nouvelle enveloppe, intéressez-vous aux bonus de rémunération accordés par nombre d’assureurs. Certains les ajoutent au rendement annuel des contrats investis pour partie en unités de compte. Le surplus de taux est potentiellement très significatif. D’autres proposent un gain supplémentaire aux épargnants qui reversent de l’argent frais sur leur contrat. « Cela permet d’avoir une rémunération allant jusqu’à 4 % en ce moment », évalue François Louarn, directeur général délégué de La Financière d’Orion. Vérifiez bien les conditions afin de dénicher les bonnes affaires.
Le PER - Un succès solide
Né en octobre 2019, le plan d’épargne retraite (PER) s’est fait une place de choix. Plus de 11 millions de Français en détiennent au moins un, à titre individuel ou via leur entreprise. Il remplace tous les produits retraite existant auparavant (Perp, Madelin, Perco, etc.), afin de proposer une solution unique et simplifiée. La loi a apporté deux améliorations majeures à ce support. D’abord, les fonds sont récupérables sous la forme d’un capital lorsqu’on prend sa retraite, là où le Perp et le Madelin imposaient une sortie en rente viagère. Ensuite, les montants versés sont déductibles des revenus imposables. « De ce fait, il concerne uniquement ceux qui payent l’impôt sur le revenu », souligne Amandine Chaigne, présidente d’Ade-ci Family Office. D’autant que cet atout a ses contreparties : les sommes sont bloquées jusqu’à la fin de la vie active et les retraits seront, eux, imposés. Le PER intéressera donc plus particulièrement les épargnants avec une tranche marginale d’imposition d’au moins 30 %. Et il sera encore plus adapté aux professionnels, comme les libéraux, qui anticipent une forte baisse de revenus à la retraite, susceptible de les conduire à descendre d’une tranche dans le barème de l’impôt. Ceux-là feront coup double. Car en versant sur un PER l’économie d’impôt réalisée, ils pourront investir davantage et bénéficier à long terme de gains substantiels. « Pour que l’opération soit pertinente, il faut avoir au moins 10 ans devant soi, investir régulièrement et opter pour des placements performants », précise Samuel Hellio.
Notre conseil Listez vos vieux contrats retraite et, s’ils n’ont pas de clauses spécifiques, tel un rendement garanti, transférez-les sur un PER. Vous profiterez ainsi des atouts d’une enveloppe moderne, et notamment d’une gamme de supports bien plus riche.
Les ETF - Plébiscités (à juste titre) par les jeunes
Même s’ils existent depuis plus de 30 ans, les ETF ont émergé récemment, pour devenir la coqueluche des jeunes investisseurs. De quoi s’agit-il ? Les ETF, pour exchange-traded funds ou fonds indiciels cotés, sont des fonds reproduisant la performance d’un indice de marché, comme le CAC 40 pour la Bourse parisienne ou le S&P 500 pour les grandes valeurs américaines. Et ce à moindres frais. Ils se différencient des fonds classiques, dits actifs, qui visent, eux, à battre les indices grâce à une sélection de titres prometteurs, mais dont la gestion est bien plus onéreuse et sans garantie de succès. C’est ce que prouvent, année après année, les études qui comparent les résultats des deux approches. « Entre un ETF et un fonds actions de sa banque, il y a un différentiel de frais de gestion d’environ 1,5 %, ce qui entraîne une vraie différence de performance sur le long terme », justifie Samuel Hellio.
Cependant, les ETF ne constituent pas une martingale. Investissant sur les marchés financiers, notamment en actions, ils en supportent les mouvements à la hausse comme à la baisse. « À long terme, ces placements sont rentables. À court terme, il faut toutefois être en mesure de supporter la volatilité de la Bourse », souligne Thaïs Castang, du cabinet de gestion de patrimoine L&A Finance. D’autant qu’il n’existe aucun gérant aux commandes pour ajuster le portefeuille quand les marchés déraillent. Ces produits présentent en revanche l’avantage d’être simples à comprendre, et permettent de diversifier aisément un portefeuille boursier. Par exemple, les ETF reproduisant le MSCI World, l’indice représentatif des grands marchés développés, intègrent 1 350 titres de sociétés cotées dans le monde. « Mais attention, car les trois quarts sont des valeurs américaines. Donc, la diversification géographique n’est pas optimale », pointe Amandine Chaigne. De ce fait, mieux vaut combiner plusieurs supports.
Notre conseil Malgré les atouts des ETF, soyez sélectif et menez une analyse poussée pour comprendre ce que vous achetez et les risques inhérents. « Mieux vaut cibler des ETF avec un encours suffisamment important, d’au moins 300 millions d’euros, car c’est un gage de bonne santé », recommande Olivier Herbout, cofondateur de la plateforme d’investissement Ramify.
- On se montre prudent
Le private equity, les fonds obligataires datés et les nouvelles SCPI peuvent être très intéressants, mais ils restent des supports risqués.
Les fonds de private equity - Ils cherchent encore leur public
Autrefois réservé aux grandes fortunes, l’investissement dans le capital d’entreprises non cotées – le private equity – se démocratise peu à peu. Désireuses d’élargir leur clientèle, les sociétés de gestion spécialisées travaillent désormais à proposer des fonds adaptés aux particuliers, accessibles en direct ou via un contrat d’assurance vie. « L’offre va progressivement s’étoffer, mais la construction d’un produit et son référencement chez les assureurs prennent du temps », souligne Olivier Herbout. Ce type de fonds présente plusieurs atouts, à commencer par la perspective de rendements supérieurs à ceux des marchés cotés. Selon l’association professionnelle France Invest, le private equity a généré une performance moyenne de 13,3 % par an sur les 10 dernières années. « On oublie parfois de dire qu’il y a des écarts de performances énormes d’un produit à l’autre, rappelle cependant Samuel Hellio. Il est aussi possible de perdre beaucoup ! » De fait, le private equity demeure un investissement risqué, à manier avec précaution. La plupart des professionnels préconisent de ne pas y consacrer plus de 5 à 10 % de son patrimoine financier. « Il faut, en outre, redoubler de vigilance quant aux entreprises financées et à la qualité des sociétés de gestion, pour s’assurer de la viabilité de l’investissement, recommande Thaïs Castang, de L&A Finance. Pour cela, vérifiez l’ancienneté de la société de gestion et ses performances passées. Étudiez aussi l’orientation et la stratégie du fonds. » Prenez garde également aux frais, souvent élevés, qui peuvent peser sur le rendement final. Enfin, il est conseillé d’aborder ce type de placement avec un horizon de long terme, généralement de 8 à 10 ans. « Certains produits permettent de sortir plus rapidement, mais attention : si le marché se complique, il y aura un embouteillage à la sortie, et les retraits risquent d’être bloqués », prévient Samuel Hellio.
Notre conseil Selon la somme à placer, mieux vaut diversifier son investissement sur plusieurs fonds, dotés de stratégies distinctes et gérées par des sociétés différentes. En cas d’accident sur l’un d’entre eux, les autres permettront de limiter les pertes.
Les fonds à échéance - À bout de souffle
Ces deux dernières années, les fonds obligataires datés (ou à échéance) ont rencontré un franc succès. Ces supports investissent dans des titres de dette émis par des entreprises sur les marchés, appelés obligations, avec une particularité : ils ont une durée de vie qui est définie à l’avance (2029 ou 2031, par exemple) et acquièrent des obligations arrivant à échéance à cette même date. « Cela permet de figer un taux de rendement et, par conséquent, de donner de la visibilité aux investisseurs », explique le conseiller Samuel Hellio. Le principal risque ? La faillite d’une entreprise financée, qui ne serait alors plus en mesure de rembourser sa dette, ce qui viendrait réduire les performances promises. C’est pourquoi ces fonds sont habituellement très diversifiés, répartis sur une centaine de sociétés. Depuis la remontée des taux d’intérêt, les rendements affichés étaient particulièrement attractifs. Néanmoins, dans un contexte de baisse progressive de ces taux, le niveau de rémunération ne compense plus aussi bien le risque lié à une éventuelle faillite. Une fois les frais déduits – ceux du fonds et, le cas échéant, ceux du contrat d’assurance vie –, la performance nette pour l’investisseur devient moins compétitive. Il est donc essentiel de la comparer à celle de votre fonds en euros afin de juger de la pertinence de ce type de placement.
Notre conseil Si vous ciblez ce type de produits, privilégiez des sociétés de gestion expérimentées, à l’instar de La Française, Tikehau Capital ou encore Edmond de Rothschild Asset Management.
Les nouvelles SCPI - Une option séduisante
Par le passé, les Français ont largement plébiscité les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), ces fonds investis dans l’immobilier professionnel. Toutefois, en 2023, la crise immobilière a commencé à impacter la valeur de ces produits. Les plus affectées ? Les SCPI spécialisées dans l’immobilier de bureau, confrontées à une double peine : la hausse des taux d’intérêt et l’évolution des usages liés au télétravail. Certains véhicules historiques ont accumulé les problèmes, contraints de baisser le prix de leur part et d’annoncer de possibles réductions de leur distribution pour l’année en cours. Cerise sur le gâteau, les porteurs de parts rencontrent souvent des difficultés à sortir de ces fonds, faute de nouveaux souscripteurs. Pourtant, dans ce contexte, 19 SCPI ont été créées rien que l’an dernier… L’objectif ? Profiter d’un marché en repli pour acquérir des biens à des prix attractifs, potentiellement très rentables dans les prochaines années. D’ailleurs, ces nouvelles SCPI ont, pour la plupart, affiché des taux de distribution 2024 nettement supérieurs à la moyenne (4,72 %). Se précipiter sur ces nouveautés semble donc tentant, mais il faut faire preuve de prudence.
« Il faut regarder au cas par cas, car il y a sur le marché beaucoup de sociétés de gestion récentes avec de nouvelles équipes, analyse Amandine Chaigne, d’Ade-ci Family Office. Le problème, c’est la pérennité des performances annoncées, car un placement immobilier s’envisage sur au moins 15 ans. » En effet, tous ces nouveaux produits ne survivront pas, faute d’atteindre une taille critique. Il est par conséquent préférable de privilégier les SCPI lancées par des sociétés de gestion solides et bien établies. Un bon indicateur ? Leur taille après 12 mois d’existence : elles doivent avoir dépassé les 100 millions d’euros de capitalisation.
Notre conseil Avant de souscrire, prenez le temps de lire les derniers bulletins trimestriels de la ou des SPCI ciblée(s). Ces documents, relativement courts et faciles d’accès, regorgent d’informations pratiques sur le produit : son encours, ses dernières acquisitions, le nombre de locataires, etc.