2284 liens privés
Pendant plus de quatre mois, Lisa et Agathe ont parcouru l’Europe à la rencontre de femmes agricultrices engagées. Une aventure humaine et militante qui se poursuit aujourd’hui sous une nouvelle forme.
Alors que le vent d’automne commence à caresser la Croisette. Lisa Calderari vient de poser son vélo, le regard encore porté vers l’horizon. Il y a quelques mois, elle quittait Paris avec Agathe Billon, son amie de route, pour traverser l’Europe à la rencontre de femmes agricultrices engagées dans l’agroécologie.
Après plus de 7.000 km, les deux voyageuses ont terminé leur périple à Cannes, ville d’origine de Lisa, où leur projet se prolonge désormais autrement.
« On voulait comprendre comment ces femmes vivent leur lien à la terre, ce qu’elles portent comme espoir et comme difficulté », raconte Lisa Calderari.
De ferme en ferme, entre les plaines de Belgique, les montagnes d’Europe de l’Est et les campagnes françaises, les deux jeunes femmes ont sillonné un continent contrasté, à hauteur de pédale, en quête de récits, de visages et de sens.
Des femmes enracinées et libres
Leur voyage, lui, n’a rien eu d’une simple escapade champêtre. Sur leurs vélos mécaniques, sans assistance, Lisa et Agathe ont roulé à la force des jambes et de la volonté, jusqu’aux plaines écrasées de chaleur d’Europe de l’Est.
« En Bulgarie, il faisait plus de 40 °C. On était malades, épuisées, mais on avançait quand même, quelques kilomètres par jour, avant de se baigner dans une rivière pour tenir le coup », raconte Lisa.
Les pannes, les bivouacs improvisés, les détours forcés par la canicule ont forgé une endurance nouvelle.
Mais ce n’est pas la sueur ni les kilomètres qui ont marqué les deux jeunes femmes : ce sont les rencontres.
Car partout, du nord au sud du continent, elles ont croisé des femmes de caractère, pionnières discrètes d’une agriculture plus libre et plus humaine.
« Certaines faisaient du maraîchage sur sol vivant avec des techniques innovantes, d’autres refusaient catégoriquement le plastique pour protéger la terre. »
En Slovénie, elles ont découvert la biodynamie et cette approche presque spirituelle du vivant ; en Bulgarie, elles ont été bouleversées par le parcours de Catherine, une Germano-Bulgare passée par l’ONU avant de tout quitter pour fonder une ferme biologique dans un pays encore peu sensibilisé à ces enjeux.
« Elle aurait pu le faire en Allemagne, là où tout le monde comprend son projet. Mais elle a choisi de se battre là où personne n’y croit », admire Lisa.
Ce périple a aussi révélé à quel point la place des femmes dans l’agriculture reste inégale selon les régions.
« En Europe de l’Ouest, elles sont sous-visibilisées. En Europe de l’Est, l’héritage communiste a, paradoxalement, ancré plus tôt l’idée que les femmes pouvaient être cheffes d’exploitation. »
Mais partout, un même fil rouge : la volonté de soin du sol et de partager leurs méthodes.
En travaillant à leurs côtés, les deux ingénieures ont compris que ces femmes ne se contentaient pas de cultiver la terre : elles en redéfinissent la philosophie.
« L’agriculture, quand elle est portée par des femmes, devient souvent plus collective, plus sensible, plus tournée vers la vie. »
Cannes, terre d’ancrage du projet
De retour en France, le voyage n’a pas marqué la fin de l’aventure, mais le début d’une nouvelle étape.
À Cannes, Lisa et Agathe ont trouvé un prolongement concret à leur projet. La Ville, séduite par leur démarche, leur a offert un appui précieux, en les mettant en relation avec des acteurs culturels et institutionnels désireux d’accompagner la diffusion de leur futur documentaire.
« À Cannes, on a senti une vraie écoute, une envie d’aider à faire connaître ce qu’on a vécu sur les routes », confie Lisa.
Le 29 novembre, elles interviendront donc à Cannes Université lors d’une table ronde consacrée à la jeunesse et à l’engagement.
L’occasion de partager leur expérience et d’inspirer d’autres jeunes à oser se lancer, à leur manière, sur les chemins du changement.
« Ce voyage nous a appris que l’écologie, ce n’est pas seulement une affaire d’environnement. C’est aussi une question de lien, de solidarité, de manière d’habiter le monde », souligne Lisa, avec la conviction tranquille de celles qui ont vu, écouté, compris.
À travers leur documentaire en préparation, elles veulent désormais donner une voix à ces femmes rencontrées aux quatre coins de l’Europe, pionnières d’une autre agriculture, résiliente et solidaire.
Leurs pas se sont arrêtés à Cannes, mais leur élan, lui, continue. Car parfois, les plus beaux voyages ne se mesurent pas en kilomètres, mais dans la trace qu’ils laissent, entre la terre et celles qui la font vivre.