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Une biodiversité exceptionnelle à protéger
Le parc du Mercantour, c’est plus de 8.000 espèces différentes. On y retrouve pas moins de 40% de toute la flore française, ainsi que la faune emblématique de la montagne: chamois, marmottes, bouquetins, loups… Le parc a aussi une grande variété d’insectes et de papillons. Autre exemple, le saxifrage à fleurs nombreuses, la fleur emblématique du parc, qui ne pousse que dans ces versants.
Au point que la région a été qualifiée de « hotspot », ou point chaud, de la biodiversité. Si les espèces y sont aussi nombreuses, elles sont également particulièrement menacées par l’action de l’homme et vulnérables face au changement climatique. D’où la création du parc national pour les protéger.
Un impact inégal selon les zones
Les conditions climatiques de ces montagnes sont déjà naturellement difficiles, souvent extrêmes, surtout l’hiver et l’été. Mais cette année, la sécheresse a fait des ravages, fragilisant les espèces. "Le manque d’eau l’été est une conséquence directe du manque de neige en hiver", explique Pierre Alengrin, qui s’occupe des pistes d’Isola 2000. Les cours d’eau et le niveau des lacs sont extrêmement bas pour la saison. Un lac a même disparu. "Ça fait 60 ans qu’on n’a pas vu ça, c’est exceptionnel", témoigne Emmanuel Gastaud, chargé de mission au parc national du Mercantour.
Le territoire du Mercantour reste inégalement impacté par la sécheresse, car les averses sont très localisées. Dans la vallée des Merveilles, en altitude, le constat est un peu moins alarmiste. Selon Yann Bonneville, gardien du refuge des Merveilles, la situation s’est améliorée depuis le début de l’été. "On était très inquiets début juin. Mais on a eu de beaux orages cet été en altitude, ce qui nous a sauvé la saison". Les lacs et cours d’eau de la vallée ont pu se remplir, même si les nappes phréatiques restent tout de même basses.
Grenouilles et crapauds en danger de mort
Premiers touchés par cette sécheresse : les crapauds et les grenouilles. "La vraie problématique se pose sur les animaux qui vivent dans les lacs, car leurs espaces de vie sont de fait réduits", explique Emmanuel Gastaud. Privés de nourriture et de lieux pour se reproduire, les batraciens accusent une mortalité assez élevée cette année.
La "grande" faune, comme les chamois, s’adapte. Il reste encore de l’eau pour que les animaux puissent s’abreuver, mais ils doivent parcourir des distances plus grandes. Cela engendre une situation de stress, qui peut être problématique si elle perdure dans le temps.
Côté flore, tout a poussé avec plusieurs semaines d’avance cette année. Les fleurs ne vont pas au bout de leur cycle, car elles ne reçoivent pas suffisamment d’eau, ce qui entrave la reproduction des espèces. Les insectes pollinisateurs souffrent aussi beaucoup du manque d’eau, certains meurent. Les oiseaux ont donc moins à manger. C’est toute la chaîne qui est perturbée.
Eviter le cumul de stress pour les animaux
Que faire alors, pour soulager la biodiversité en cette période de sécheresse exceptionnelle? Pour le parc du Mercantour, il faut à tout prix éviter d’ajouter un stress supplémentaire aux animaux. Et donc inciter les visiteurs à déranger le moins possible la faune.
En saison touristique, la fréquentation des lieux empire le stress. Le parc note un nouveau type de visiteurs qui "n’ont pas forcément les bons codes pour les espaces naturels". Les animaux approchés fuient, et dépensent donc de l’énergie, alors que la sécheresse engendre déjà beaucoup de perte d’énergie pour eux.
"Il faut bien comprendre que ces animaux évoluent dans des conditions extrêmes, même s’ils sont habitués", insiste Emmanuel Gastaud. Alors, on reste sur les sentiers et on ne court pas derrière les chamois pour prendre le cliché parfait. Et on essaie de ne pas faire trop de bruit pour ne pas déranger les animaux qui, ne l’oublions pas, sont chez eux.
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Repenser la gestion de l’eau en montagne
Dorian Guinard insiste: pour protéger la faune et la flore, une bonne gestion de l’eau est capitale. Alors, dans le Mercantour, le parc incite les visiteurs aux gestes simples d’économie. Dans les refuges en particulier, la ressource est précieuse.
Avec la sécheresse, l’approvisionnement en eau y est limité, alors que les refuges en ont besoin pour les repas et les sanitaires. Ainsi, le refuge de la Valmasque a décidé de couper ses douches. Ce n’est pas le seul. Le refuge des Merveilles avait aussi décidé de les couper début juin, mais l’eau étant approvisionnée par un lac, il a pu les remettre en service depuis.
Pour Emmanuel Gastaud, chargé de mission au parc, les visiteurs doivent prendre conscience de cette problématique de l’eau. "L’eau est un bien commun", insiste-il. Face à cette situation exceptionnelle, au lieu d’aller prendre une douche, on opte donc pour une petite toilette ou on saute dans un lac. À Isola 2000, beaucoup d’endroits ne sont plus irrigués et les fontaines ont été coupées ; de même, la micro-centrale, qui produit de l’électricité, ne tourne pas à plein régime. Mais la question de la gestion de l’eau est bien plus large que celle des petits gestes du quotidien.
"Ce n’est pas avec des points d’eau, des petites constructions, qu’on va arriver à combler les carences hydriques", explique Dorian Guinard. Selon lui, c’est tout le modèle économique de la montagne qu’il faut repenser. La neige artificielle, qui nécessite une forte consommation d’eau et engendre la création de retenues collinaires, est particulièrement visée par les associations environnementales.
Or les canons à neige sont de plus en plus prisés par les stations, qui cherchent à pallier le manque de neige en hiver. Une conséquence de la hausse des températures et d’une faible pluviométrie, surtout en basse et moyenne altitude. À Isola 2000, 60 à 70% du domaine skiable est ainsi équipé de canons à neige.
"La Méditerranée est un hot spot du changement climatique", alerte un climatologue et membre du Giec
La sécheresse exceptionnelle de 2022 n’est qu’un aperçu de ce qui nous attend à l’avenir?
Oui pour la Méditerranée, mais je ne suis pas aussi catégorique pour les régions plus au Nord de la France qui devraient voir les pluies générales augmenter sur l’année. La Méditerranée et le Sud-Ouest de la France sont sujets à une sécheresse plus fréquente, due au réchauffement climatique. Ce phénomène va continuer et s’amplifier tant qu’il y aura des émissions de gaz à effet de serre.
Quelles conséquences sur nos sols?
Le gros problème de la terre sèche, c’est que l’eau ruisselle. Elle ne s’infiltre pas, n’est pas efficace pour les cultures et peut même être dévastatrice pour elles, à cause du ruissellement.
Dans les Alpes-Maritimes, beaucoup craignent une nouvelle tempête Alex. Doit-on s’attendre au pire cet automne?
Je comprends les craintes et les partage. Je n’ai pas de boule de cristal pour cet automne, mais les configurations thermiques ne sont pas du tout favorables. En ce moment, on est en crise sécheresse et canicule. Il y a une anomalie de température en mer Méditerranée extrêmement forte, qui a pu aller jusqu’à 5 à 6°C au-dessus des normales de saison.
La mer est très chaude et ne va pas se refroidir d’un coup. Elle va conserver la chaleur qui pourrait favoriser plus d’évaporation et d’humidité dans l’air. Il faut toutefois une configuration de vent très particulière pour déclencher un épisode méditerranéen. Il faut une arrivée d’air froid et de vent du sud. Le conflit de masse d’air va produire ces phénomènes orageux extrêmement violents, qui sont 20% plus intenses qu’il y a 50-60 ans.
En 2021, vous rendiez un rapport avec le GIiec indiquant qu’en Méditerranée, le changement climatique sera l’un des plus radicaux. Pourquoi?
La Méditerranée est un hot spot du changement climatique. Il y a beaucoup de changement et des conséquences qui vont s’abattre sur la région. L’aridification, notamment : moins de pluie, plus de sécheresse, la canicule, le risque de feu, la montée du niveau de la mer. Le changement des vents et des cyclones méditerranéen dont l’intensité va croître, à l’automne, au point de s’approcher des cyclones tropicaux.
Que préconise le Giec pour éviter la catastrophe?
Le GIEC ne fait pas de recommandations au gouvernement, mais des préconisations. Il y a deux types de mesures. L’atténuation, d’abord : limiter les gaz à effets de serre, les réduire à zéro en 2050 pour stabiliser le réchauffement climatique à 1,5°C. On n’évitera pas la canicule, ni la sécheresse mais 1,5°C en plus restera gérable. On peut le faire, c’est qu’une question d’organisation.
L’autre mesure, c’est limiter les conséquences du réchauffement climatique. Il faut prendre en compte les nouveaux risques. En région Ile-de-France, comme dans le Sud, il faut se préparer à avoir des 50 °C et des conséquences en cascade. Les réseaux électriques et d’eau peuvent être fragilisés. Il faut voir aussi les conséquences sur l’agriculture, les hôpitaux... On va avoir à faire face à des situations hors normes, si on se prépare, on survivra.
D’ici à la fin de l’été 2022, les Alpes-Maritimes et le Var présentent un risque de sécheresse, selon une étude publiée par le ministère de l’écologie. Hiver particulièrement doux, augmentation des températures, amenuisement des réserves, la gestion de nos ressources en eau est le défi de demain. Comment pouvons-nous agir? Quels impacts sur nos territoires? On a un mois pour enquêter.
Alerte à la sécheresse dans les Alpes-Maritimes et le Var. Dès fin mars, dans les Alpes-Maritimes et le Var, les préfectures ont émis des recommandations, pour restreindre la consommation en eau dans certaines communes.
Mi-mai, la situation s'annonce déjà critique dans certains secteurs du Var et des Alpes-Maritimes. C'est le cas à Seillans où un camion-citerne réapprovisionne 6 fois par jour la commune en eau. 400 foyers au nord du village sont déjà concernés par cette pénurie.
Mi-juin les habitants subiront des coupures planifiées pendant la nuit, puis en journée. "J’ai peur qu’on en vienne à distribuer des bouteilles d’eau aux Seillanais. Il faut qu’ils prennent conscience que ce bien commun n’est pas inépuisable", regrette René Ugo, maire de la commune.
Cette année, nous avons une sécheresse inédite dans le sens où elle a commencé tôt… janvier et février ont été pauvres en eau" , explique Philippe Gourbesville, hydrologue et professeur à Polytech qui travaille sur la question depuis 15 ans.
En moyenne, les Alpes-Maritimes et le Var enregistrent un volume d’eau annuel de 700 à 800 mm au m2, explique Philippe Gourbesville. C’est le même volume qu’à Paris."
Or cette année, le déficit en eau est de 48 % sous la normale. Une situation inédite depuis… 2007.
Pénuries d’eau en série
Pluies insuffisantes, peu de neige pour grossir les rivières, et des nappes phréatiques qui ne se sont pas rechargées expliquent cette situation.
"La sécheresse n'est pas due qu’à un déficit de précipitations, explique Joël Guiot, chercheur et climatologue au Centre Européen de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement et co-président du Grec-Sud. L'artificialisation des sols aggrave la situation sur notre littoral qui est très urbanisé. L'eau qui tombe ruisselle et se retrouve à la mer… et n'alimente donc pas les nappes phréatiques.
Philippe Gourbesville invite à observer le problème sous un prisme encore plus large.
"L’absence de précipitations est une dynamique à l’échelle de la planète, liée à la circulation atmosphérique, souligne encore le chercheur. Ce qui crée des précipitations chez nous, c’est une masse d’air qui traverse la Méditerranée et qui sature au-dessus de la mer et se décharge sur le littoral. C’est un phénomène complexe qui met en jeu, par exemple, les courants océaniques."
Variété du territoire, complexité du phénomène
Notre territoire n’est pas touché partout de la même manière. Les communes du haut et moyen pays qui se distinguent par leur topographie, plus pentue, sont plus difficilement alimentées en eau.
"Un problème dans les équipements et on se retrouve rapidement en difficulté", détaille Philippe Gourbesville.
Le scientifique refuse de tenir un discours alarmiste pour autant.
Si la sécheresse menace particulièrement les Alpes-Maritimes et le Var ces prochains mois, selon une carte publiée par le ministère de l’écologie, cela ne présage cependant rien concernant nos ressources en eau, ajoute Philippe Gourbesville
"Il faut observer les sols, poursuit-il. Comparativement si vous regardez la Bretagne, il y pleut plus qu’à Nice mais les ressources sont très modestes, notamment car les sols, granitiques, ne retiennent pas l’eau."
Si l’artificialisation des sols est importante, notamment sur notre littoral, leur composition, faite de marne et de calcaire, permet un meilleur stockage.
Demain, des sécheresses plus fréquentes
"La sécheresse que nous connaissons actuellement, n'est pas forcément liée au réchauffement climatique. En Méditerranée, on a des années plus sèches et des années plus humides", note Joël Guiot, chercheur et climatologue au Centre Européen de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement et co-président du Grec-Sud.
Un constat partagé par Philippe Gourbesville. "2022 emprunte la même trajectoire que 2007 qui a été une année extrêmement sèche avec une moyenne de 310 mm par m2 de précipitations." Le scientifique rappelle aussi les périodes sèches entre 1980 et 1990 ou encore 2001 et 2007.
Qu'en sera-t-il demain?
"Les projections pour la fin du siècle font état de grandes incertitudes sur les précipitations: les pluies diminueront en été sur le littoral, poursuit Joël Guiot.
Et à cause de la hausse des températures liée au réchauffement climatique, l'évaporation de l'eau va augmenter. Et avec elle, une nouvelle diminution des ressources.
Précipitations plus courtes mais plus intenses
"Il pourrait pleuvoir davantage, notamment à l'automne avec les épisodes méditerranéens, tels qu'on les a connus avec la tempête Alex: 500 mm d'eau se sont abattus en une journée, rappelle le climatologue. Mais ces précipitations ne permettront pas de réalimenter suffisamment les nappes en raison de l'artificialisation des sols qui empêchent une bonne infiltration de l’eau."
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que "c’est la manière dont les pluies vont tomber qui va changer", constate Philippe Gourbesville.
Plus courtes mais plus intenses. "Et avec ce changement, c’est la manière dont on recueille l’eau qui va différer", poursuit l’hydrologue.
Salinisation des nappes phréatiques
Autre effet attendu du changement climatique: l'élévation du niveau de la mer va conduire à une salinisation des nappes.
"On l'observe déjà en Camargue, à la Crau, sur la presqu'île de Giens. Une situation qui pose des problèmes aux agriculteurs."
Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la recharge des nappes à l’échelle nationale pourrait faiblir de 10 à 30 % d’ici à 2070 à cause du dérèglement climatique, doublé de la surexploitation.
Dès lors, comment faire face aux sécheresses à répétition?
Prendre soin des sols
"Le premier remède à la sécheresse est d'arrêter d'artificialiser les sols. Une mesure préconisée par les experts du GIEC, et qui figure dans la loi climat et résilience de 2021, fait observer Joël Guiot. Il faudra voir comment cette mesure se traduira dans les décrets d'application."
Le climatologue pointe la nécessité de limiter l'étalement des villes, mais aussi de développer les espaces végétalisés urbains, avec des espèces méditerranéennes, résistantes à la sécheresse, et des points d'eau.
Des considérations déjà prises en compte comme à Cagnes-sur-Mer où les bords de la Cagne sont en voie de renaturation.
Cela invite à repenser nos installations et structures. "Si vous faites un parking, vous pouvez par exemple ne pas tout bétonner, mais mettre des graviers à la place, qui laisseront l’eau pénétrer plus facilement", remarque Philippe Gourbesville.
Diversifier et mettre en commun les sources
Essayer, également, de diversifier les sources d’alimentation en eau, qu’elles soient souterraines ou superficielles.
"Dans les Alpes-Maritimes, nous avons la chance d’avoir les Alpes, qui font office de château d’eau. Dans le Var, il y a moins de sources mais vous pouvez prendre le lac de Carcès qui alimente Toulon."
L’idée est également de partager les ressources entre communes.
"C’est le cas, notamment, sur le littoral, explique Philippe Gourbesville. Les villes sont connectées entre elles, elles peuvent transvaser leurs ressources. C’est plus difficile pour les communes du haut et moyen pays car les montagnes qui se dressent entre elles rendent plus difficile la liaison entre elles."
Changer nos habitudes, notre alimentation
Doit-on revenir à plus de sobriété? La réflexion s’impose à différentes échelles, de l’individuel au global.
"Il faudra utiliser l'eau de façon plus parcimonieuse"
En posant des contraintes sur la construction de nouvelles piscines, ou en augmentant le prix de l'eau."
A la maison, préférer la douche au bain, par exemple. Dans les jardins, aussi, remplacer la pelouse par des plantes méditerranéennes.
"Dans certains Etats américains, comme le Nevada, note Philippe Gourbesville, vous ne pouvez pas planter plus de 30% de plantes à arroser."
En matière d'agriculture, privilégier des systèmes d'irrigation de goutte à goutte plutôt qu'un arrosage à grandes eaux.
"La clé c'est l'agriculture, 93% de l'eau mondiale est utilisée à des fins agricoles", a expliqué Emma Aziza, hydrologue sur France Inter. Elle appelle à réduire la consommation de viande. "Il faut 4,1 tonnes de céréales pour produire 1 tonne de poulet, et pour le boeuf, il faut 3 fois plus de céréales." Donc d'eau pour faire pousser l'alimentation nécessaire à l'élevage.
Mais, explique-t-elle, la question de l'eau est beaucoup plus large.
C'est la question de notre assiette, de la manière dont on s'habille, de ce qu'on achète. C'est ce qu'on appelle l'eau virtuelle, elle est cachée partout dans tous nos modes de consommation."
Des changements d’habitude et de consommation qui amènent de nombreuses questions.
Un mois de reportages, longs formats
Cultivera-t-on les mêmes choses demain à l’heure où l’on parle de remplacer le maïs par des cultures moins gourmandes en eau? A quoi ressemblera notre assiette? Et nos habitations?
Alors que le Sud de la France enregistre la plus grande concentration de piscines, faut-il encore en construire chez soi? Comment préserver nos ressources en eau?
Ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre tout le long de ce nouveau dossier "Eau secours."
Jusqu'à la fin du mois de juin nous vous proposerons une série de reportages, longs formats.
Dans le Haut-Pays, les habitants de Saint-Martin-Vésubie récupèrent l’eau de la rivière pour arroser leur jardin grâce à la centaine de canaux qui irriguent la Vallée. Un système séculaire qui permet de préserver les ressources en eau potable, éviter les pertes tout en sensibilisant les habitants à l’heure où la sécheresse menace.
"Ecoutez, rien que le bruit est vital."
Le visage de Joël Savier se fend d’un large sourire alors que Eric Gili hisse la martelière, la petite vanne de métal qui empêche l’eau de s’engouffrer dans le canal.
L’eau s’échappe dans un flot puissant et se met à ruisseler rapidement le long du canal.
Les deux hommes, Saint-Martinois, font partie de l’ASA (association syndicale autorisée) du canal de Nantelle, chargée de l’entretien et de l’exploitation du réseau de canaux éponyme qui parcourt toute la vallée de la Vésubie.
En tout, 80 hectares de parcelles irriguées par tout un maillage de canaux qui jouent à cache-cache avec la ville et la végétation, repérables le long de la route principale, au détour d’un jardin, ou encore au creux des bois.
Un système ingénieux qui remonte au XIIIe siècle et dont, presque 700 ans plus tard, à l’heure des alertes sécheresse à répétition, l’utilité ne se dément pas.
L’ASA du canal de Nantelle couvre "2,5 kilomètres de canaux secondaires dont profitent les 140 adhérents, tous propriétaires de terrains desservis", souligne Eric Gili.
Mais ce n’est qu’une partie des 71 canaux qui irriguent la Vallée. “Ce n’est pas pour rien qu’on surnomme la Vésubie, la petite Suisse“, sourit Eric Gili en embrassant le vallon verdoyant du regard.
Cette eau, non potable et non traitée, permet aux habitants d’arroser régulièrement leurs parcelles sans puiser dans les réserves d’eau potable de la ville.
L’eau est déviée de la Vésubie. Au milieu de la caillasse, triste vestige de la tempête Alex, qui borde le cours d’eau, un tuyau noir a été installé, pour récupérer le flot de la rivière.
"La tempête a détruit une bonne partie des installations et le premier été qui a suivi la catastrophe, les canaux n’ont pas fonctionné", soupire Eric Gili.
Aujourd'hui, les adhérents peuvent irriguer leur terrain une fois par semaine, à des horaires déterminés par l’association. "C’est ce que l’on appelle le droit d’eau, explique Eric Gili. Pour un hectare, par exemple, j’ai 2 heures d’eau le vendredi." Chaque adhérent ouvre les vannes à l'heure voulue.
En contrepartie, les adhérents s’acquittent d’une cotisation annuelle de 40 euros. Ceux qui le souhaitent peuvent aussi dédier une demi-journée de corvée d’entretien par an ou alors s’acquitter d’une taxe de 20 euros.
"Pour ma part, utiliser l’eau du canal représente une économie de 60 euros par an", calcule Joël Savier.
Eric Gili va plus loin : "Pour une saison d’arrosage, j’utilise environ 240m3. Si je devais arroser mon jardin avec de l’eau potable, cela me reviendrait à 456 euros par an."
Une économie de taille quand on pense aux 40 euros de cotisation annuelle versée à l’ASA.
Mais l’économie ne se fait pas qu’au niveau du porte-monnaie. "En utilisant une eau non-traitée, nous ne pesons pas sur les réserves d’eau potable de la ville, ni sur les infrastructures nécessaires à son traitement", poursuit Joël Savier.
Un gain d’autant plus précieux quand on sait que la population de Saint-Martin-Vésubie, où de nombreux habitants du littoral possèdent une résidence secondaire, est multipliée par huit en période estivale.
L’arrière-pays est particulièrement vulnérable face au risque de sécheresse.
Interviewé dans le teaser du dossier, Philippe Gourbesville, hydrologue à l’université de Nice expliquait : "Sur le littoral, les villes sont connectées entre elles, elles peuvent transvaser leurs ressources. C’est plus difficile pour les communes du haut et moyen pays car les montagnes qui les séparent rendent plus difficile la liaison entre elles."
A défaut d’une mise en commun entre les villes, c’est à l’échelle des habitants que la réflexion sur le partage de la ressource en eau s’est imposée.
Ce sont les compteurs d’eau imposés par l’Union européenne qui ont fait l’effet d’une décharge électrique.
"Quand ils ont été installés, les gens ont commencé à se rendre compte de ce qu’ils consommaient et de ce que ça leur coûtait, constate Eric Gili. Cela a redonné de la valeur au canal."
Entre les prélèvements d’EDF et le changement climatique qui affecte la ressource en eau, la question de la préservation s’est imposée aux habitants de la Vésubie.
"Comment la gérer au mieux?", poursuit Joël Savier.
Le grand avantage des canaux, c’est qu’ils permettent une irrigation des plantes par immersion", explique Eric Gili qui cultive également un potager aux pieds des montagnes.
Il poursuit : "Cela évite une évaporation et c’est mieux pour les plantes qu’un arrosage classique au goutte-à-goutte ou par en haut qui risque d’entraîner des brûlures sur les feuilles."
Pour économiser l’eau, Eric Gili n’a pas hésité à repenser ses plantations. "J’ai éloigné les oignons moins gourmands en eau de la rigole où passe l’eau et remonté les pommes de terre."
Le canal des arrosants a également une vertu invisible. Celle de rassembler les habitants de la Vallée autour de la gestion de l’eau.
"Sans elle, la Vésubie ne serait pas ce qu’elle est avec son paysage vert qui nous est si cher", explique Eric Gili. S’occuper des canaux n’a rien d’anodin.
"Tout cela encourage à repenser le territoire, les plantations, à prendre en compte la nature des sols", explique Eric Gili en regardant l’eau couler dans le sillon tracé entre les légumes et s’infiltrer sous le feuillage vert des pommes de terre ou des courges de Fontan.
Un peu plus loin, des framboisiers brûlés par le soleil rappellent la sécheresse post-Alex, quand les infrastructures, détruites par la tempête, n'étaient plus en mesure de diffuser l'eau.
Joël Savier renchérit : "[Avec le canal], on perpétue les traditions et la convivialité entre les habitants de la zone, nos voisins proches et plus éloignés. L'eau nous rassemble aussi."
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Découvert par article Nice Matin https://www.nicematin.com/economie/comment-blueleaf-conservation-veut-proteger-les-posidonies-avec-la-finance-carbone-725296
Interactive global map showing areas threatened by sea level rise and coastal flooding.
découvert par article nice matin https://www.nicematin.com/environnement/ces-endroits-sur-la-cote-dazur-pourraient-etre-immerges-a-cause-de-la-montee-des-eaux-720384