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"Se protéger soi-même contre les incendies en débroussaillant, c’est comme mettre un verrou et une porte blindée contre les voleurs." Le contrôleur général du Service d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes (Sdis 06), René Dies, est catégorique: "Si la défense est trop dangereuse, on n’engagera pas les pompiers. Le risque doit être raisonnable." Son homologue du Var, Eric Grohin, ne dit pas autre chose.
Le discours se durcit. "Les gens doivent s’autoprotéger. Quand on est face à des feux hors-norme comme Gonfaron en 2021 ou la Gironde l’été dernier, on est en rupture capacitaire. Si on est obligé de mettre un camion derrière chaque maison pour la protéger, on ne peut plus lutter contre le feu, il s’élargit et continue à se propager. Je refuse d’envoyer des hommes dans des zones non débroussaillées quand elles présentent un danger vital. On privilégiera l’évacuation des personnes quand les zones ne seront pas défendables", précise Eric Grohin.
"On ne pourra plus défendre les biens"
Trois critères de défensabilité aideront à la prise de décision: "Que les obligations légales de débroussaillement soient respectées; que l’accessibilité à l’habitation soit conforme; de même que le réseau d’eau, poursuit Eric Grohin. À certains moments, on ne pourra plus défendre les biens. On sécurisera la population, soit en l’évacuant, soit en la confinant dans la maison."
Le changement climatique, la sécheresse et les températures aussi hautes qu’inhabituelles favorisent les feux, y compris dans des régions où il n’y en avait pas. À tel point que le risque d’incendie hors norme et incontrôlable est à présent redouté, et pas que dans le sud de la France.
"Pour la première fois, cet été, la moitié des incendies s’est déroulée au nord de la Loire, dans le Jura, en Bretagne, en Anjou…", ajoute Eric Grohin. Cette expansion incite chaque département à garder ses pompiers. Par ricochet, les colonnes envoyées jusqu’à présent en renfort d’un département vers un autre, comme cela s’est passé sur le feu de Gonfaron en 2021, ne le seront plus. Chacun préférant garder ses forces sur place au cas où!
"Une maison bien débroussaillée ne brûle pas"
Les trois critères de défensabilité sont difficilement tenables dans certains secteurs du Var et des Alpes-Maritimes, où les villas ont poussé au cœur de forêts avec des chemins difficilement accessibles. Pour que les pompiers puissent circuler sans danger, la route doit être dégagée sur quatre mètres de large et de haut.
Un des enseignements du feu de Gonfaron, c’est qu’une maison bien débroussaillée ne brûle pas. Et s’il n’y a pas de danger, les habitants peuvent être confinés après avoir arrosé autour de la maison et sur le toit, fermé les volets, placé des chiffons mouillés au bas des portes…
"Sur le feu de Gonfaron, 92% des maisons qui ont brûlé n’étaient pas débroussaillées. Les 8% restantes étaient débroussaillées, mais avaient par exemple des volets en PVC, des appentis en bois très proches", poursuit le patron du Sdis 83.
De même, dans les zones à risques, il faut éviter les terrasses en bois à proximité des habitations, l’utilisation de PVC, les cyprès et autres végétaux très inflammables comme le mimosa, ou les tas de bûches pour l’hiver. Mais ces recommandations, qui peuvent être vitales quand le feu arrive sur une maison, ne sont pas inscrites dans les règlements d’urbanisme.
"L’autoprotection des maisons, c’est la loi, avec les Obligations légales de débroussaillement (OLD)" insiste René Dies. Alpes-Maritimes et Var y sont soumis. La réglementation est particulièrement complexe. Les arrêtés préfectoraux sont indigestes. Ils imposent d’aller couper arbres ou sous-bois chez le voisin, sans que celui-ci ne débourse un centime.
Les institutions locales, au premier rang desquelles les maires censés faire respecter les OLD, sont peu nombreux à faire le nécessaire pour informer la population, redoutant une impopularité. C’est auprès de l’association des communes forestières du Var, Cofor 83, et de l’ONF, que les Varois trouveront la meilleure information.
" L’État envisage de renforcer ses moyens de contrôle "
Le principe général, c’est que les propriétaires en zone boisée ou à moins de 200mètres d’un massif forestier, de garrigue ou de maquis, doivent débroussailler, même si leur habitation se trouve dans un quartier urbanisé. Ehpads, lotissements, copropriétés doivent aussi faire le ménage autour de leurs bâtiments s’ils sont dans ces périmètres. Cela peut être le cas par exemple à Toulon, avec la proximité du Faron, ou dans le secteur de Grasse et des Préalpes d’Azur. Selon Alain Monavo, responsable pour l’ONF de l’Agence de défense des forêts contre l’incendie, basée à Nice, "l’État envisage de renforcer ses moyens de contrôle en 2023". Il faut donc s’attendre à des visites de la police municipale et de l’ONF à la demande des maires, de mieux en mieux informés sur le fait que leur responsabilité peut être engagée. Et bien sûr, le carnet à souches sera dégainé pour les plus récalcitrants.
Prévenir les risques
"Dans les Alpes-Maritimes, nous avons un groupement de la citoyenneté qui diffuse l’information préventive aux comportements qui sauvent. On a ainsi sensibilisé 40.000 personnes l’an dernier. Il faut aussi rappeler aux gens l’obligation d’avoir des détecteurs de fumée, suivant un nombre adapté à chaque logement. C’est important, ça sauve vraiment des vies!"
En cas d’incendie chez soi
"S’il se déclare chez vous et que vous évacuez - puisque c’est un réflexe -, il faut penser à fermer la porte de votre appartement. À chaque porte fermée, on retarde la croissance du feu, on limite les dommages et les risques d’intoxication aux fumées. Si vous êtes sorti, vous appelez les pompiers immédiatement."
Si on est pris au piège
"Si vous êtes piégé chez vous, vous rejoignez une fenêtre, vous appelez les pompiers et vous vous manifestez pour dire où vous êtes. Précisez bien où vous vous trouvez et combien de personnes sont dans l’appartement. Si vous en avez la possibilité, mettez un linge humide sous les portes pour ralentir la progression. Nous viendrons chercher les gens avec des échelles, avec une corde et un harnais, ou avec une cagoule de sauvetage. Et en ultime recours, nous avons désormais acquis des matelas de sauvetage. C’est issu d’un retour d’expérience, lorsqu’une personne avait été coincée sur son balcon [à Nice-Est en 2018]."
Si le feu se déclare en-dessous
"Il n’y a pas de réponse type. Si le feu est juste en-dessous, on se confine, on met des linges humides et on se manifeste à la fenêtre. Si le feu est en train de toucher l’appartement, on essaie d’évacuer. Mais il faut bien connaître son immeuble: quand on sort et qu’il y a de la fumée, on risque de mourir asphyxié... On préfère localiser les gens que les retrouver morts dans les escaliers!"
En cas de brûlure ou intoxication
"Si on est brûlé, il faut se passer la main sous l’eau 5 à 10 minutes sous de l’eau tiède. Si on a été intoxiqué, il faut se signaler aux sapeurs-pompiers à notre arrivée, pour une éventuelle assistance respiratoire ou une évacuation à l’hôpital. Quoi qu’on ait, si on a évacué de soi-même, il faut se signaler aux pompiers. Il faut aussi éviter les effets de panique: on évacue plus vite dans le calme qu’en se bousculant."